FLASH : le parquet requiert la relaxe au bénéfice de J. Cohen-Sabban et X. Nogueras
L’avocat général a requis ce mardi après-midi la relaxe des deux avocats s’agissant de la complicité de tentative d’escroquerie au jugement au terme d’un réquisitoire plein de retenue et de mesure qui tranchait singulièrement avec le vitriol des réquisitions de première instance.

« Ces avocats étaient au service de leur client dans une affaire de très grande criminalité et ils ont mis de côté leurs obligations déontologiques pour vicier un arrêt d’assises » tonnaient en février 2023 les deux magistrats du parquet contre Joseph Cohen-Sabban et Xavier Nogueras, juste avant de requérir à leur endroit des peines de prison. C’était si violent que les pénalistes étaient venus en force le jour suivant pour apporter leur soutien aux intéressés. Dans son jugement du 18 avril, le tribunal les avait relaxés, rappelant notamment que « le seul doute exprimé quant à l’authenticité des documents litigieux, fût-il des plus sérieux, ne saurait légalement caractériser l’élément intentionnel du délit de complicité d’escroquerie au jugement ».
« À aucun moment, l’avocat ne doit sciemment donner au juge une information fausse… »
Rappelons qu’ils étaient poursuivis pour avoir communiqué à la cour d’assises en décembre 2018, à leur insu, de faux documents dans le cadre de la défense de Robert Dawes, un britannique accusé de trafic de stupéfiants (1,3 tonne de cocaïne). L’ordonnance de renvoi avait constaté qu’ils n’étaient pas les auteurs des faux et qu’ils ignoraient que c’étaient des faux, mais elle leur avait reproché leur manque de vigilance. Ils auraient dû savoir. L’affaire avait été l’occasion pour la profession de rappeler qu’elle n’avait pas de rôle de certification des documents transmis à la justice et que la seule obligation de l’avocat à ce titre est inscrite dans l’article 21.4.4 du règlement du Conseil national des barreaux : « A aucun moment, l’avocat ne doit sciemment donner au juge une information fausse ou de nature à l’induire en erreur ».
Changement de ton radical en appel. Au terme d’un réquisitoire d’une heure trente, aussi retenu et nuancé que ses collègues avaient été violents en première instance, l’avocat général Christophe Auger a requis la relaxe de Xavier Nogueras et Joseph Cohen-Sabban concernant la complicité de tentative d’escroquerie au jugement. C’est d’autant plus significatif que dans ce dossier, le parquet a fait appel. Par ailleurs, lorsqu’au premier jour du procès, la défense a fait valoir que la déclaration d’appel ne visait pas la partie du jugement prononçant la relaxe, l’avocat général a produit une note interne de service témoignant de son intention de faire un appel général et affirmé qu’à ses yeux, la cour était bien saisie de l’ensemble du jugement.
Lors de ses réquisitions, le magistrat a commencé par expliquer qu’il ne se situait ni tout à fait dans la ligne du jugement de première instance, ni dans celle de l’ordonnance de renvoi.
L’élément matériel du faux en écriture publique est-il constitué ? Oui, il n’est d’ailleurs pas contesté que des faux ont été produits. Ce qu’on ignore encore, c’est qui les a fabriqués et qui les a adressés aux avocats pour qu’ils les communiquent à leur tour à la justice.
Les cinq questions relatives à l’élément moral
S’agissant de l’élément moral, l’avocat général estime pour sa part que la tentative d’escroquerie au jugement est une infraction particulière, pour laquelle il n’existe pas de jurisprudence, et où l’intention ne recoupe pas nécessairement la connaissance de la fausseté des pièces. L’analyse de cet élément se découpe selon lui en cinq parties.
Première question : les avocats pouvaient-ils douter sérieusement de la véracité des pièces ? Oui, en raison du mode de transmission, car l’impossibilité d’identifier une source précise aurait dû alerter. De même, leur survenance, aussi tard dans la procédure et aussi près du procès, aurait dû inciter à la prudence.
Deuxième question : que fallait-il faire ? Des démarches plus pugnaces auprès des émetteurs pour identifier la source, mais aussi choisir un traitement judiciaire différent. Le jugement est suffisamment sévère sur l’absence de sérieux, estime l’avocat général qui ne s’appesantit pas.
Troisième question : est-ce que la production de ces pièces était de nature à provoquer la remise en liberté ou l’acquittement ? Oui. Les avocats ont adhéré non pas au projet de la tentative d’escroquerie, encore moins au faux, mais au discours du client selon lequel il y avait une discrimination dans la transmission des pièces à décharge. Ils sont entrés dans un tunelle et s’y sont égarés.
Quatrième question : la présentation orale des pièces à l’audience a-t-elle pu renforcer leur crédit aux yeux de la cour ? C’est sur la réponse négative à cette question que l’avocat général appuie sa demande de relaxe au bénéfice de Xavier Nogueras dès lors qu’il était absent, tant au rendez-vous avec les magistrats avant l’ouverture du procès, que lors de plaidoirie sur les deuxièmes conclusions au soutien des pièces.
À cet instant du raisonnement, chacun se demande quel va être le sort réservé à Joseph Cohen-Sabban. Celui-ci a en effet appuyé la première demande de nullité en évoquant le combat « homérique » de l’avocat espagnol pour obtenir ces éléments de la procédure. Cette affirmation peut-elle tromper la religion du juge ? s’interroge Christophe Auger. Oui, car l’escroquerie au jugement, ce n’est pas seulement les écritures, mais aussi les paroles prononcées à l’audience.
Cinquième question : Est-ce un mensonge ? Non, c’est une extrapolation. Ce qui lui permet de requérir la relaxe de Joseph Cohen-Sabban.
En revanche, la violation du secret professionnel liée à la transmission de documents et d’informations à l’homme lige du client est constituée pour les deux avocats. En première instance, ils avaient été condamnés à trois ans d’interdiction d’exercer avec sursis et 15 000 euros d’amende. L’avocat général requiert que la cour fasse une distinction dans les sanctions qu’elle infligera pour que celles visant Joseph Cohen-Sabban soient plus lourdes que celles infligées à Xavier Nogueras.
Référence : AJU498053
