Violences sexuelles et consentement : une loi en retard sur la réalité ?

Publié le 26/03/2025
Violences sexuelles et consentement : une loi en retard sur la réalité ?
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L’article met en lumière les limites du droit français en matière de violences sexuelles, en insistant sur l’absence de prise en compte explicite du consentement dans la définition légale du viol. Il souligne les difficultés probatoires pour les victimes, notamment face aux mécanismes de sidération et d’emprise. En comparant les législations étrangères, il plaide pour une réforme garantissant une meilleure protection juridique.

En tant qu’avocate, j’observe que, contrairement aux idées reçues, les violences sexuelles et sexistes sont majoritairement commises par des personnes connues de la victime. Dans de nombreux cas, celles-ci se retrouvent paralysées par la sidération, incapables de se débattre ou de crier. Ces réactions, encore mal comprises, exposent les victimes à des appréciations biaisées, où leur parole est systématiquement mise en balance avec celle de leur agresseur. Ce que nous, juristes, observons depuis des années – des victimes dont la parole est fragilisée par des représentations biaisées du consentement – est aujourd’hui mis en lumière par de récentes affaires médiatisées. Dans ces dossiers, le consentement est un enjeu central, pourtant encore trop souvent traité de manière implicite ou secondaire.

La notion de consentement, au cœur de ces affaires, devrait être repensée dans la loi afin de mieux refléter la réalité des violences sexuelles.

C’est pourquoi cette question est aujourd’hui au centre des débats juridiques et sociétaux, bien au-delà du cadre national. À l’échelle européenne, le 6 février 2024, la France, aux côtés de neuf autres États, s’est opposée à l’instauration d’une définition commune du viol, notamment en refusant d’intégrer la question du consentement. Ce blocage a empêché l’Union européenne de reconnaître le viol comme un « eurocrime », au même titre que le terrorisme, la traite des êtres humains, l’exploitation sexuelle, le trafic de drogues et la corruption. Selon l’article 83.1 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), un « eurocrime » désigne une infraction d’une gravité telle qu’elle justifie l’établissement de règles pénales communes au sein de l’Union, en raison de sa dimension transfrontalière1.

Sur le plan national, la définition du viol semble de nouveau faire l’objet de débats. Si la France n’a pas souhaité adopter une définition uniforme au niveau européen, pourrait-elle néanmoins s’inspirer des réformes menées par d’autres pays ?

Certains opposants à une réforme du consentement craignent qu’une nouvelle définition fasse peser sur la victime la charge de la preuve, l’obligeant à démontrer son absence de consentement. Pourtant, dans l’état actuel du droit français, c’est déjà la notion de non-consentement qui guide l’appréciation judiciaire, la victime devant prouver avoir été victime d’une contrainte, d’une menace, d’une violence ou d’une surprise pour établir l’infraction.

En effet, le cadre législatif français actuel, régi par l’article 222-23 du Code pénal, définit le viol comme : « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise ».

Cette définition repose sur la preuve d’une contrainte, d’une menace ou d’une surprise et n’intègre pas explicitement la notion de consentement. Cette approche, ancrée dans une vision classique du droit pénal, soulève plusieurs difficultés :

  • elle fait peser sur la victime la charge de prouver qu’elle n’a pas consenti, plutôt que d’exiger de l’auteur qu’il démontre qu’un consentement libre et éclairé a été donné ;
  • elle ne prend pas pleinement en compte les situations de sidération, d’emprise psychologique ou d’alcoolisation, qui rendent la résistance impossible ;
  • elle est critiquée par les instances internationales, notamment par le comité GREVIO dans son rapport de 20192, qui rappelle que la France ne se conforme pas entièrement à l’article 36 de la convention d’Istanbul3 qui rappelle pourtant quatre fois dans cet article l’importance de la prise en compte du consentement pour les infractions de violences sexuelles, y compris le viol conjugal.

Dans son arrêt du 23 janvier 20254, la Cour européenne des droits de l’Homme a condamné la France pour violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme, relatif au droit au respect de la vie privée et familiale. La Cour a rappelé que le refus d’entretenir des relations sexuelles avec son conjoint ne saurait être considéré comme une faute en matière de divorce.

Par cette décision, la Cour réaffirme le droit fondamental de disposer librement de son corps ainsi que la liberté sexuelle, tout en soulignant l’obligation positive des États en matière de prévention des violences conjugales et sexuelles.

Elle précise que :

« Le devoir conjugal, tel qu’il est énoncé dans l’ordre juridique interne et qu’il a été réaffirmé dans la présente affaire, ne prend nullement en considération le consentement aux relations sexuelles, alors même que celui-ci constitue une limite fondamentale à l’exercice de la liberté sexuelle d’autrui ».

Ainsi, la notion de « devoir conjugal » telle qu’elle est encore perçue dans certains contentieux ne permet pas de prendre en compte la nécessité du consentement dans les relations sexuelles au sein du couple. La Cour insiste sur le fait que le consentement au mariage ne saurait en aucun cas être interprété comme un consentement implicite aux relations sexuelles futures.

La Cour rappelle qu’« aux yeux de la Cour, le consentement doit traduire la libre volonté d’avoir une relation sexuelle déterminée, au moment où elle intervient et en tenant compte de ses circonstances ».

La Cour européenne met ainsi la France face à ses propres contradictions et à son manque de coordination entre le droit civil et le droit pénal. D’un côté, le viol conjugal est reconnu et sanctionné, avec une circonstance aggravante pour le conjoint auteur des faits. De l’autre, le droit civil a longtemps admis la notion de « devoir conjugal », pouvant justifier un divorce aux torts exclusifs du conjoint refusant d’entretenir des relations sexuelles.

À travers cet arrêt de la Cour, notre société a pris conscience des contradictions persistantes dans le droit. Cet arrêt souligne que le droit civil a, pendant longtemps, considéré l’obligation d’entretien des relations sexuelles comme une composante du mariage, consacrant ainsi une vision dépassée du consentement. Cette approche révélait une conception archaïque du mariage, dans laquelle le consentement initial à l’union était assimilé à un consentement implicite et permanent aux relations sexuelles, en contradiction avec les principes fondamentaux du droit pénal moderne et du respect de l’autonomie corporelle.

Le rapport parlementaire du 21 janvier 20255, publié au nom de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité, met en évidence les limites du droit et recommande une réforme du Code pénal. Il préconise notamment de s’inspirer des modèles étrangers ayant intégré la notion de consentement affirmatif.

Dans ce contexte, il convient d’analyser les insuffisances du cadre juridique français et leurs conséquences sur les victimes (I), avant d’examiner les modèles étrangers et les perspectives d’évolution en France (II).

I – Le cadre juridique français et ses conséquences sur les victimes

A – Une notion qui pèse déjà sur les victimes

En France, bien que la loi ait été modifiée pour s’adapter aux réalités, en intégrant notamment les actes bucco-génitaux et les pénétrations de l’auteur par un mineur (lorsque leur différence d’âge est d’au moins cinq ans), par les lois des 3 août 2018 et 21 avril 2021, le modèle repose implicitement sur l’idée de non-consentement, qui se manifeste par la démonstration de résistance, de crainte ou de paralysie de la victime. Contrairement à d’autres pays où le consentement affirmatif est au centre de la définition légale, le droit français impose indirectement aux victimes de prouver qu’elles n’ont pas consenti, plutôt que d’exiger une affirmation claire de leur accord.

Cette critique, déjà formulée dans le rapport du GREVIO de 2019, rappelle que la France ne se conforme pas totalement aux engagements pris dans la convention d’Istanbul, qui impose aux États membres d’intégrer l’absence de consentement comme critère déterminant du viol.

Cette conception a plusieurs conséquences :

  • l’absence de résistance peut être interprétée comme un consentement implicite, alors que de nombreuses victimes sont en état de sidération ou de dissociation, de survie ;
  • on applique encore des stéréotypes de genre sur le comportement attendu d’une vraie victime, notamment qu’elle doit crier ou se débattre, comme s’il existait un modèle type de victime ;
  • une application inégalitaire sur le territoire, voire au sein d’une même juridiction, car certaines décisions reconnaissent la sidération comme un élément d’absence de consentement, tandis que d’autres exigent encore une preuve de contrainte physique.

Concernant les statistiques relatives aux condamnations pour violences sexuelles, il convient de faire preuve de prudence, notamment en raison du fort taux de chiffre noir, c’est-à-dire du nombre d’infractions non signalées, ces violences demeurant largement taboues. Par ailleurs, les services du parquet ne sont pas informés de l’ensemble des actes. En conséquence, les données actuellement disponibles restent peu exploitables et ne permettent pas d’appréhender pleinement l’ampleur du phénomène.

Le ministère de la Justice publie régulièrement des statistiques détaillées sur l’activité judiciaire. Toutefois, les données spécifiques sur les taux de classement sans suite et de condamnation pour violences sexuelles ne sont pas toujours mises en avant dans les publications accessibles au public6.

L’examen des dernières données publiées par ce service en décembre 2024, portant sur les condamnations prononcées en 2023, révèle une hausse des condamnations pour viol, avec 1 827 condamnations. De même, 14 354 condamnations pour délits sexuels ont été prononcées, marquant une augmentation significative. Il est à noter que six crimes sur dix ayant donné lieu à une condamnation sont des viols7.

Malgré une hausse globale des condamnations pour violences sexuelles, celles concernant les conjoints auteurs de telles infractions demeurent particulièrement faibles. En 2023, seules 183 condamnations pour viol et 361 pour des délits sexuels ont été prononcées à l’encontre d’un conjoint.

Ces chiffres mettent en évidence la difficulté probatoire inhérente à ces affaires, dans un contexte où l’absence de consentement est souvent difficile à établir matériellement. L’absence de preuves physiques directes et la persistance d’une perception biaisée des violences sexuelles conjugales constituent des obstacles majeurs à la reconnaissance judiciaire de ces infractions.

En outre, ces données révèlent une confusion fondamentale entretenue par certains raisonnements : une femme peut aimer son conjoint et refuser un acte sexuel, sans que cela soit contradictoire. Le mariage ou la relation de couple n’implique aucun consentement permanent aux relations sexuelles.

À cela, s’ajoute l’impact persistant des préjugés culturels selon lesquels il existerait une acceptation implicite des relations sexuelles au sein du couple, illustrant ainsi une méconnaissance des dynamismes d’emprise et des contraintes socio-économiques qui peuvent empêcher une victime de quitter son conjoint agresseur.

B – L’insuffisante reconnaissance des mécanismes psychologiques des victimes

Dans la pratique, la majorité des victimes que l’on rencontre sont en état de sidération, une réaction instinctive qui paralyse. Ce comportement, parfaitement naturel face au danger, est pourtant souvent mal compris. Nous sommes conditionnés, par un imaginaire collectif en lien avec les fictions cinématographiques, à attendre des signes d’une victime qui crie ou se débat alors que, dans la réalité, la sidération rend ce type de réaction difficile.

L’actuel raisonnement juridique sur le consentement en France contrevient aux engagements internationaux de la France ; le GREVIO, dès 2019, critiquait la France pour son approche insuffisante de la sidération dans les cas de violences sexuelles (§ 192) : « l’incapacité desdits éléments probatoires à englober la situation de toutes les victimes non consentantes, notamment lorsque celles-ci sont en état de sidération. Une telle définition permettrait surtout d’opérer le changement de paradigme nécessaire pour reconnaître la centralité qui revient à la volonté de la victime… »8. La convention d’Istanbul impose en effet aux États membres de prendre en compte l’impact psychologique des agressions, comme la sidération, qui empêche les victimes de réagir. En ignorant ce facteur, notre droit ne garantit pas la protection complète que requièrent ces engagements. La Commission nationale consultative des droits de l’Homme, en 2018, rappelle que dans les infractions de violences sexuelles, il revient à la France de reconnaître la centralité qui revient à la volonté de la victime9.

Dans ce contexte, un souvenir poignant me revient : celui d’une cliente qui, lors de son procès, me tenait la main avec force. Elle craignait que l’on ne la croie pas, car elle ne portait aucune trace visible de violence. Depuis son plus jeune âge, elle avait été influencée par une représentation biaisée des agressions sexuelles véhiculée par les films et son entourage, pourtant censé être protecteur, qui lui répétaient que puisqu’elle n’avait pas dit « non » et n’avait pas été frappée, il ne pouvait s’agir d’un viol.

Pourtant, elle avait subi plusieurs viols, sans jamais pouvoir exprimer verbalement son refus, piégée dans un état de sidération totale. Son comportement instinctif de survie face à son agresseur, qui exerçait une autorité sur elle, était difficile à expliquer aux jurés, tant il allait à l’encontre des stéréotypes de la victime idéale.

Heureusement, la cour d’assises a reconnu l’absence de consentement, mais cette reconnaissance reste encore incertaine, d’une juridiction à l’autre, en raison des exigences liées à la matérialité de la preuve. La Cour de cassation, quant à elle, n’a que récemment adopté une approche plus conforme aux réalités psychologiques des victimes.

Dans les prétoires, s’agissant des majeurs, la Cour de cassation a longtemps éprouvé des difficultés à reconnaître l’état de sidération comme un élément caractérisant l’absence de consentement dans la qualification du viol10. Pourtant, la jurisprudence intègre progressivement la notion de consentement dans son raisonnement, dès lors que les quatre critères légaux – violence, menace, contrainte et surprise – excluent toute possibilité de consentement.

À cet égard, la Cour a notamment affirmé que :

« Attendu que l’emploi d’un stratagème destiné à dissimuler l’identité et les caractéristiques physiques de son auteur pour surprendre le consentement d’une personne et obtenir d’elle un acte de pénétration sexuelle constitue la surprise au sens du texte susvisé »11.

Toutefois, la jurisprudence demeure hétérogène et inégale. L’exigence persistante d’une preuve matérielle de contrainte physique constitue un obstacle probatoire majeur, contribuant ainsi à maintenir un taux élevé de classements sans suite, y compris dans des affaires où l’absence de consentement est manifeste mais juridiquement difficile à établir.

Dans la continuité de ces arrêts qui tendent progressivement à reconnaître que le consentement ne peut être déduit du silence ou de l’absence de résistance, la Cour de cassation s’inscrit encore récemment dans cette évolution : par un arrêt du 11 septembre 2024, elle a rappelé que le comportement d’une victime en état de sidération ne saurait être interprété comme un consentement implicite12.

La jurisprudence française a donc commencé à intégrer cette notion de sidération. La chambre criminelle de la Cour de cassation a notamment énoncé que, en matière d’agressions sexuelles, le consentement de la victime ne peut être déduit de la sidération causée par une atteinte sexuelle commise par violence, contrainte, menace ou surprise.

Ce moment illustre que notre société peut être débarrassée d’une vision faussée de ce que doit être une vraie victime, qui se débat et se défend. En réalité, chaque victime réagit différemment, et la sidération est une réaction courante face au danger.

La législation a évolué avec l’article 222-23-1 du Code pénal13, qui interdit désormais toute relation sexuelle entre un majeur et un mineur de moins de 15 ans, même en l’absence de violence ou de contrainte. Cette évolution reconnaît l’incapacité de l’enfant à donner un consentement valide et renforce la protection des mineurs, posant un interdit légal clair sans exiger de preuves supplémentaires de résistance. En cas de relation entre un majeur et un mineur de moins de 15 ans, le viol est automatiquement présumé. Cette disposition est une avancée majeure dans la reconnaissance de la vulnérabilité des mineurs et souligne la nécessité d’un consentement éclairé.

La notion d’« emprise » a fait son entrée dans le Code pénal et Code de la santé publique, mais la France ne reconnaît pas encore explicitement l’emprise psychologique comme un élément caractérisant l’absence de consentement.

Le terme « emprise » désigne généralement une domination intellectuelle ou morale exercée par une personne sur une autre, restreignant ainsi sa liberté de pensée ou d’action. L’emprise repose sur une appropriation progressive du désir de l’autre, souvent à travers un processus de séduction manipulatrice et destructrice, visant à instaurer une fusion psychologique. Lorsqu’une victime tente de se soustraire à cette emprise, l’auteur peut réagir par une violence brutale, traduisant un refus de perdre son ascendant.

Si l’emprise psychologique n’est pas juridiquement qualifiée de violence en soi, elle constitue néanmoins un levier puissant facilitant l’instauration et la perpétuation de violences psychologiques et physiques. Cette reconnaissance progressive a conduit à son intégration dans plusieurs dispositifs législatifs récents, notamment en matière de violences conjugales.

L’emprise est reconnue comme une composante des violences psychologiques14.

L’emprise a conduit le législateur à légiférer sur la levée du secret médical en cas de danger grave15.

La Belgique a intégré l’emprise psychologique comme facteur d’absence de consentement dans les infractions à caractère sexuel. Cette modification est inscrite dans l’article 417-5 du Code pénal, depuis la loi du 21 mars 2022. Cet article précise que le consentement doit être donné librement et ne peut être déduit de la simple absence de résistance de la victime. Il souligne également qu’il n’y a pas de consentement lorsque l’acte à caractère sexuel résulte, entre autres, de menaces, de violences physiques ou psychologiques, de contrainte, de surprise ou de ruse16.

De même, au Canada, l’arrêt de la Cour suprême R. contre Ewanchuk, rendu le 25 février 1999 (n° 26493)17, a marqué un tournant en matière de définition du consentement en droit pénal.

La Cour suprême y rappelle l’état du droit face à la notion de consentement « apparent », en insistant sur le fait que :

« Pour être valide en droit, le consentement doit être donné librement. Par conséquent, même si la plaignante a consenti, ou si son comportement soulève un doute raisonnable quant à l’absence de consentement, il peut exister des circonstances amenant à s’interroger sur les facteurs qui ont pu motiver le consentement apparent de la plaignante. Le paragraphe 265(3) du Code criminel énumère une série de situations ».

Enfin, la Cour suprême rejette fermement les préjugés liés aux violences sexuelles, en affirmant que :

« L’absence de résistance physique ne peut en aucun cas être interprétée comme un consentement ».

Dans sa décision, elle infirme l’arrêt de la cour d’appel, en dénonçant l’influence des stéréotypes sur l’appréciation des faits :

« Les plaignants devraient être en mesure de compter sur un système libre de mythes et de stéréotypes et sur des juges dont l’impartialité n’est pas compromise par ces suppositions tendancieuses ».

L’évolution des législations étrangères en matière de viol et de consentement met en évidence des tendances claires en faveur d’une reconnaissance plus explicite du consentement affirmatif. Plusieurs États ont adopté des réformes visant à renverser la charge de la preuve, à mieux protéger les victimes et à éviter que l’absence de résistance ne soit interprétée comme un consentement implicite.

II – Les perspectives d’évolution du droit français à l’aune du droit comparé

Si certains pays, comme l’Espagne et la Suède, ont opté pour un modèle de consentement affirmatif, d’autres, comme l’Allemagne, se basent sur l’absence de refus explicite. Ces approches diffèrent sur le plan probatoire mais visent un même objectif : recentrer l’infraction sur le consentement de la victime.

A – L’exemple espagnol, suédois, belge et canadien : le consentement affirmatif

L’Espagne, la Suède, la Belgique et le Canada ont ancré le consentement affirmatif au centre de la définition du viol.

La France s’est inspirée de ses voisins en matière de lutte contre les violences conjugales. Pourquoi ne pas adopter une approche similaire dans la lutte contre les violences sexuelles ?

En Suède, dès le 1er juillet 2018, avec la loi dite de consentement explicite18, le principe est clair : sans un consentement clair et affirmatif, il y a viol.

Depuis cette réforme, il incombe désormais à l’accusé de prouver qu’il a obtenu un « oui » positif et volontaire avant tout acte sexuel. En outre, la Suède a introduit le concept novateur de « viol par négligence », permettant de poursuivre une personne qui n’a pas activement vérifié l’existence du consentement. Cette législation impose ainsi aux auteurs de s’assurer d’un accord explicite, même en l’absence de violence physique ou de menace, ce qui contribue à rééquilibrer la charge probatoire et facilite l’accès des victimes à la justice.

Cette réforme a eu un impact immédiat : en seulement un an, le nombre de condamnations pour viol en Suède a augmenté de 75 %, passant de 190 à 333. Cette hausse est directement attribuée à la nouvelle définition légale du viol, qui a élargi les possibilités de poursuites judiciaires en prenant davantage en compte la notion de consentement actif19.

L’Espagne a adopté une approche similaire, avec sa loi de 2022, dite Solo sí es sí20 (« Seul un oui est un oui »), loi réformée le 20 avril 2023 afin de réintroduire des distinctions dans les infractions sexuelles et ajuster les peines correspondantes, tout en maintenant le principe du consentement explicite. En Espagne, toute relation sexuelle sans consentement explicite est désormais un viol. L’Espagne a éliminé la nécessité de prouver la contrainte, en affirmant que seul un consentement clair et explicite peut être considéré comme valide. Le silence ou la passivité n’est plus interprété comme un consentement.

En procédant ainsi, cette réforme permet de préciser l’élément intentionnel de l’infraction, en ce sens que la personne poursuivie doit démontrer qu’elle s’est assurée du « consentement positif » de l’autre partie avant tout acte sexuel.

Bien que des données chiffrées précises sur l’impact de cette loi ne soient pas encore pleinement établies, les autorités espagnoles ont constaté une augmentation du nombre de plaintes pour violences sexuelles et sexistes, ainsi qu’une hausse des poursuites et condamnations. Cette évolution est notamment attribuée à une meilleure compréhension du concept de consentement et à une évolution des pratiques judiciaires.

Cette augmentation des plaintes n’a pas entraîné une explosion des fausses accusations, démontrant ainsi que l’instauration d’un cadre juridique centré sur le consentement affirmatif n’affaiblit ni la présomption d’innocence ni les garanties procédurales.

En Belgique, la réforme du 21 mars 2022 redéfinit le viol, mettant l’accent sur l’absence de consentement comme élément central de l’infraction.

L’article 417-11 du Code pénal définit le viol : « On entend par viol tout acte qui consiste en ou se compose d’une pénétration sexuelle de quelque nature et par quelque moyen que ce soit, commis sur une personne ou avec l’aide dune personne qui ny consent pas ».

Avant la réforme, l’article 375 du Code pénal déterminait les éléments constitutifs d’un viol comme suit : « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit et par quelque moyen que ce soit, commis sur une personne qui n’y consent pas, constitue le crime de viol. Il n’y a pas consentement notamment lorsque l’acte a été imposé par violence, contrainte ou ruse, ou a été rendu possible en raison d’une infirmité ou d’une déficience physique ou mentale de la victime ».

Donc, avant la réforme, si la notion de consentement était clairement énoncée dans la loi, le législateur ne la définissait pas. Le législateur a encadré la question du consentement, notamment par l’article 417-5 du Code pénal qui rappelle précisément que « le consentement suppose que celui-ci a été donné librement. Ceci est apprécié au regard des circonstances de l’affaire. Le consentement ne peut pas être déduit de la simple absence de résistance de la victime. Le consentement peut être retiré à tout moment avant ou pendant l’acte à caractère sexuel (…)

En tout état de cause, il n’y a pas de consentement si l’acte à caractère sexuel résulte d’une menace, de violences physiques ou psychologiques, d’une contrainte, d’une surprise, d’une ruse, ou de tout autre comportement punissable (…) ».

La loi définit désormais le viol en se concentrant sur le comportement de l’auteur et en mettant le consentement au centre de la définition du viol.

D’ailleurs, cette réforme a permis de protéger les personnes vulnérables, notamment si la victime est sous l’emprise de drogues ou d’alcool, la loi considère automatiquement que le consentement ne peut être librement exprimé, ce qui rend toute relation sexuelle non consensuelle dans ces situations automatiquement condamnables. La sanction est renforcée en cas d’usage de substances psychotropes pour altérer le consentement.

Cette définition met l’accent sur l’absence de consentement comme élément central de l’infraction, alignant ainsi le droit belge avec les standards internationaux en matière de protection contre les violences sexuelles.

Au Canada, comme évoqué précédemment, la jurisprudence a depuis longtemps consacré cette approche. Dans l’arrêt R. contre Ewanchuk21, la Cour suprême a posé un principe fondamental : l’absence de résistance ne peut être assimilée à un consentement.

Cet arrêt a établi que seul un consentement affirmatif peut être juridiquement valable. Ainsi, les tribunaux canadiens exigent que l’accord à l’acte sexuel soit non seulement explicite, mais également continu, excluant ainsi toute interprétation basée sur le silence, la passivité ou l’absence de résistance.

Cette approche permet une meilleure appréhension de la réalité des victimes tout en offrant un cadre juridique clair et structuré pour les auteurs présumés. L’arrêt R. contre Ewanchuk a eu un impact majeur sur l’interprétation et l’application des lois relatives au consentement au Canada22. Il a consolidé l’exigence d’un consentement libre, affirmatif et continu, influençant ainsi l’évolution de la jurisprudence et contribuant à l’adaptation de la formation des magistrats et des acteurs du système judiciaire.

Au-delà de son impact judiciaire, cette redéfinition du consentement revêt également une dimension préventive. En instaurant un cadre juridique plus clair, elle contribue à sensibiliser la société sur ce que l’on entend réellement par violence sexuelle, déconstruisant ainsi les stéréotypes persistants et favorisant une prise de conscience collective. Cette approche permet de faire évoluer les comportements en insistant sur l’importance d’un consentement libre et affirmatif, renforçant ainsi la prévention des violences avant même leur survenance.

Ces exemples montrent que la protection des victimes réside dans la redéfinition même du consentement.

D’autres approches existent également, comme le modèle allemand, qui repose sur l’exigence d’un refus explicite ou implicite.

B – L’exemple allemand : « Non, c’est non » et la reconnaissance de la vulnérabilité des victimes

Depuis 2016, l’Allemagne a choisi un dispositif légèrement différent : « Nein heißt Nein » (« Non, c’est non »). Cette réforme renforçant la protection de l’autodétermination sexuelle a été motivée par des critiques croissantes sur le laxisme des condamnations pour violences sexuelles, notamment lors du Nouvel An 201623.

Elle a conduit à une modification de l’article 177 du Code pénal allemand (Strafgesetzbuch), élargissant la définition du viol en intégrant une nouvelle approche centrée sur le consentement. Désormais, tout acte sexuel commis « contre la volonté identifiable d’une autre personne » est constitutif d’une infraction pénale, et ce même en l’absence de violence physique ou de menace explicite24.

Cette réforme marque une évolution significative en alignant le droit allemand sur les engagements internationaux, notamment ceux découlant de la convention d’Istanbul. Elle établit que l’expression d’un refus, qu’il soit verbal ou non verbal, suffit à caractériser l’absence de consentement, supprimant ainsi l’exigence de démontrer une résistance physique de la victime.

En outre, la loi prend en compte les situations de vulnérabilité, notamment lorsque la victime se trouve sous l’influence de substances psychoactives, en état de faiblesse, ou incapable d’exprimer clairement son absence de consentement.

Ce type de disposition est particulièrement pertinent au regard des réalités judiciaires. Il est encore fréquent que des plaintes pour viol soient classées sans suite lorsque la victime était alcoolisée, faute de preuves jugées suffisantes. Ce constat illustre les limites du système pénal français, qui ne prend pas encore pleinement en compte la vulnérabilité liée à l’alcoolisation, alors même que le droit prévoit des dispositifs reconnaissant ces victimes comme vulnérables.

Les préjugés sociétaux jouent également un rôle majeur dans l’appréhension de ces infractions. Dès lors que la victime ou l’auteur étaient alcoolisés, le viol tend à être minimisé : on considère que l’auteur n’avait pas l’intention de commettre un viol du fait de son état d’alcoolisation, alors que cette circonstance constitue une circonstance aggravante en droit pénal.

De même, lorsque la victime était alcoolisée, une forme de culpabilisation inconsciente s’opère, lui reprochant un manque de vigilance dans sa protection. Or, en réalité, le droit qualifie cette situation comme une circonstance aggravante, en raison de l’état de vulnérabilité dans lequel la victime se trouvait et dont l’auteur a abusé.

En France, bien que des formations initiales et continues soient prévues pour les magistrats et forces de l’ordre, celles-ci ne comportent pas systématiquement de modules obligatoires dédiés aux notions « d’emprise » et de « vulnérabilité ».

Toute réforme du droit devra intégrer une formation obligatoire sur ces notions afin d’améliorer l’appréciation du consentement et le traitement judiciaire des violences sexuelles.

C – En France, une réforme en débat

Plusieurs propositions de réforme ont été avancées pour mieux encadrer la notion de consentement dans le Code pénal25. Parmi elles, l’idée d’une définition plus explicite du viol, intégrant :

  • un consentement qui doit être libre, éclairé et réversible ;
  • l’interdiction de déduire un accord du silence ou de l’absence de résistance ;
  • une meilleure prise en compte des situations de vulnérabilité, comme l’emprise, la peur ou la soumission chimique ;
  • préserver l’équilibre de la présomption d’innocence.

Le 6 mars 2025, le Conseil d’État26 a rendu son avis sur la proposition de loi visant à inscrire explicitement l’absence de consentement dans la définition du viol. Il estime que cette clarification législative renforcerait la protection de la liberté sexuelle et de l’intégrité physique et psychique, tout en consolidant l’arsenal répressif en matière de violences sexuelles.

Il rappelle que, même en l’absence de mention expresse dans le Code pénal, le défaut de consentement est déjà un élément déterminant de l’appréciation judiciaire, la jurisprudence ayant progressivement étendu l’interprétation des notions de violence, menace, contrainte et surprise afin de mieux appréhender cette question.

Toutefois, le Conseil d’État souligne que l’inscription explicite de l’absence de consentement ne saurait instaurer une présomption de culpabilité à l’égard du mis en cause, ni exiger un formalisme excessif dans l’expression du consentement, prévenant ainsi tout risque de contractualisation des relations sexuelles. Il rappelle que l’intégration explicite du consentement dans la loi entraînera une évolution de l’orientation des enquêtes, en recentrant l’analyse sur la caractérisation de l’absence de consentement de la victime, plutôt que sur la démonstration des moyens de contrainte (violence, menace, surprise ou contrainte) employés par l’auteur pour parvenir à l’acte. Il valide le maintien des quatre éléments constitutifs du viol prévus par l’article 222-23 du Code pénal, considérant que leur préservation garantit la continuité des acquis jurisprudentiels. Néanmoins, il recommande certains ajustements rédactionnels afin d’éviter tout risque d’inconstitutionnalité et d’assurer la cohérence du dispositif avec les principes fondamentaux du droit pénal.

Enfin, le Conseil d’État inscrit cette évolution législative dans une dynamique européenne et internationale, rappelant que la reconnaissance du consentement comme élément central de la définition du viol s’aligne sur les engagements internationaux de la France, notamment ceux issus de la convention d’Istanbul.

Toutefois, une réforme législative seule ne saurait suffire : sans un changement profond des pratiques judiciaires et une formation adaptée des magistrats, ces avancées risquent de rester purement théoriques.

Si la France envisage une évolution de sa législation sur le consentement, celle-ci devra s’inscrire dans une réforme globale.

En effet, réformer la définition légale du viol ne doit pas se limiter à une modification textuelle.

Une réforme ne sera véritablement efficace que si elle s’accompagne d’un changement de paradigme dans l’instruction des affaires de violences sexuelles.

D – Éviter les écueils d’une réforme mal préparée

Toute réforme en matière de violences sexuelles doit être minutieusement pensée afin de préserver l’équilibre fondamental entre les droits des victimes et ceux des mis en cause, notamment en veillant à ne pas affaiblir la présomption d’innocence. L’expérience espagnole illustre bien cette nécessité : la loi Solo sí es sí, adoptée en 2022, a dû être amendée postérieurement pour clarifier certains aspects et éviter des interprétations imprécises.

La reconnaissance du consentement affirmatif dans la définition légale du viol soulève inévitablement la question de son articulation avec la présomption d’innocence, qui constitue un principe fondamental du droit pénal. Il est donc essentiel que la réforme soit accompagnée d’une réflexion approfondie sur son application concrète, afin d’éviter tout risque de renversement de la charge de la preuve ou d’insécurité juridique dans l’instruction et le jugement des affaires de violences sexuelles27.

E – Une crainte récurrente : l’inversion de la charge de la preuve

En droit pénal français, il appartient au ministère public et à la partie civile de prouver la culpabilité du mis en cause. La victime doit démontrer que l’infraction est constituée (élément matériel et intentionnel), ce qui implique aujourd’hui la preuve d’une contrainte, d’une menace, d’une violence ou d’une surprise.

Or, une réforme fondée sur le consentement affirmatif pourrait conduire à une modification de l’appréciation probatoire et à un glissement vers une présomption de culpabilité, alors que le doute doit profiter à l’accusé. C’est l’un des arguments avancés par les opposants aux réformes adoptées en Espagne (loi Solo sí es sí, 2022) et en Suède (2018). Toutefois, ces législations ne suppriment pas la présomption d’innocence mais redéfinissent le standard de preuve : il ne s’agit plus de prouver l’absence de consentement, mais de s’assurer de son existence en plaçant la responsabilité de cette vérification sur l’auteur présumé des faits.

F – Une adaptation nécessaire du raisonnement judiciaire

Loin de renverser la charge de la preuve, une réforme basée sur le consentement affirmatif impliquerait un changement de paradigme probatoire, en imposant une lecture nouvelle des faits aux magistrats :

  • le consentement deviendrait un élément constitutif de l’infraction, à démontrer comme n’importe quelle autre circonstance factuelle ;
  • les juges devraient évaluer les circonstances dans lesquelles il a été donné ou non, en prenant en compte les situations d’emprise psychologique, de sidération ou de vulnérabilité.

Ce type d’évolution est déjà observable dans la jurisprudence française : la prise en compte de la sidération28 ou la reconnaissance du viol par surprise en cas d’usurpation d’identité29 montrent que l’analyse du consentement est un critère central dans les décisions judiciaires.

Un risque subsiste : sans une formation spécifique des magistrats et enquêteurs, une réforme législative pourrait conduire à une application hétérogène du droit.

L’exemple espagnol illustre ces difficultés : après l’adoption de la loi Solo sí es sí, certaines condamnations ont été révisées à la baisse, en raison d’incertitudes dans l’application du nouveau cadre juridique.

En revanche, en Suède, l’introduction de la notion de « viol par négligence » a entraîné une augmentation du nombre de poursuites et de condamnations, sans pour autant provoquer une explosion des fausses accusations.

Le défi serait alors d’assurer un équilibre entre la protection des victimes et les droits des mis en cause.

Il conviendrait donc d’étudier l’impact de la réforme sur la pratique judiciaire avant son adoption définitive, en prévoyant par exemple une phase d’expérimentation.

G – Une réforme intégrant l’impact des rapports de genre sur la question du consentement

Une analyse sociologique du consentement montre l’influence des rapports de genre sur l’appréhension des violences sexuelles. La société perpétue des stéréotypes selon lesquels l’homme serait un conquérant et la femme passive, voire soumise. Ces biais influencent inconsciemment les attentes sociales et judiciaires, imposant une vision stéréotypée de la véritable victime.

Le droit impose, en matière contractuelle, que chacun comprenne pleinement la portée de son engagement. Pourtant, en matière de violences sexuelles, l’approche juridique actuelle semble paradoxale. En effet, en exigeant la preuve d’une contrainte, d’une menace ou d’une surprise, notre système juridique tend implicitement à priver la victime de sa propre capacité à exprimer un consentement libre et éclairé, comme si elle était dépossédée de son autonomie décisionnelle face à l’auteur.

Ces dynamiques sont particulièrement complexes dans les cas de viol conjugal. Pendant longtemps, la société a considéré les épouses comme subordonnées à leur mari, ancrant ainsi l’idée d’un devoir conjugal, qui continue d’alimenter la croyance en une obligation implicite de relations sexuelles régulières au sein du mariage.

L’affaire dite Pelicot illustre cette problématique de manière flagrante : elle révèle une tendance judiciaire à présumer le consentement de la femme dès lors que son époux y a consenti. Ce conditionnement collectif, hérité de siècles d’inégalités de genre, continue d’influencer l’appréhension sociétale des violences sexuelles au sein du couple.

Le Conseil d’État est contraint de rappeler le caractère autonome de la notion de consentement en droit pénal. Il précise qu’un engagement civil (mariage, PACS) ou une relation contractuelle à titre onéreux (prostitution rémunérée) ne sauraient, en soi, exclure la qualification d’agression sexuelle ou de viol, bien que ces éléments puissent être pris en compte par le juge dans son appréciation des circonstances de l’infraction30.

Réformer la définition légale du consentement constituerait une avancée essentielle pour combattre ces stéréotypes et réaffirmer le droit fondamental de chacun à disposer librement de son corps. Toutefois, une telle réforme ne saurait être pleinement efficace sans une politique de prévention structurelle contre le sexisme, dès le plus jeune âge, afin de modifier durablement les mentalités et les représentations sociales du consentement et des relations conjugales.

Conclusion. Les récentes affaires de violences sexuelles et sexistes médiatisées ont révélé, une fois de plus, une faille majeure dans notre droit : l’absence de clarté sur la notion de consentement.

Instaurer le consentement affirmatif en France mettra enfin fin à un paradoxe : aujourd’hui, ce sont les victimes qui doivent prouver leur non-consentement, alors que c’est l’auteur qui devrait être tenu de s’assurer de leur accord explicite.

Cette évolution législative permettrait de redéfinir le viol à travers le prisme de la liberté sexuelle et du droit de disposer de son corps, en parfaite cohérence avec les principes fondamentaux du droit.

Les exemples étrangers démontrent que le consentement affirmatif n’est ni une surcharge pour les victimes, ni une atteinte à la présomption d’innocence, mais bien une avancée vers un procès plus équitable, où l’absence de consentement explicite suffit à caractériser l’infraction.

Une telle réforme en France permettrait de mieux protéger les victimes, tout en les préservant des préjugés et stéréotypes qui influencent encore souvent l’appréciation des violences sexuelles.

Une clarification législative du consentement permettrait enfin d’établir des règles précises pour les mis en cause, en rétablissant un véritable équilibre judiciaire.

Redéfinir enfin le consentement dans la loi, c’est garantir une protection réelle aux victimes et affirmer, sans ambiguïté, que toute relation sexuelle doit être fondée sur un accord libre et éclairé.

Notes de bas de pages

  • 1.
    « Établir des règles minimales relatives à la définition des infractions pénales et des sanctions dans des domaines de criminalité particulièrement graves ».
  • 2.
    Rapport d’évaluation du GREVIO sur les mesures d’ordre législatif et autres donnant effet aux dispositions de la convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (convention d’Istanbul) France, 19 nov. 2019, https://lext.so/5lt6MP.
  • 3.
    Article 36 intitulé « Violence sexuelle y compris le viol » de la convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique du 12 avril 2011 disposant : « 1 Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour ériger en infraction pénale, lorsqu’ils sont commis intentionnellement : a la pénétration vaginale, anale ou orale non consentie, à caractère sexuel, du corps d’autrui avec toute partie du corps ou avec un objet ; b les autres actes à caractère sexuel non consentis sur autrui ; c le fait de contraindre autrui à se livrer à des actes à caractère sexuel non consentis avec un tiers. 19 2 Le consentement doit être donné volontairement comme résultat de la volonté libre de la personne considérée dans le contexte des circonstances environnantes. 3 Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour que les dispositions du paragraphe 1 s’appliquent également à des actes commis contre les anciens ou actuels conjoints ou partenaires, conformément à leur droit interne ».
  • 4.
    CEDH, 23 janv. 2025, n° 13805/21, H.W. c/ France.
  • 5.
    https://lext.so/zAajXe.
  • 6.
    L’Institut des politiques publiques a avancé un taux de 86 % de classements sans suite entre 2012 et 2022, https://lext.so/yAb-9r.
  • 7.
    Service de la statistique, des études et de la recherche du ministère de la Justice, Rapport annuel pour l’année 2022, p. 123, https://lext.so/YdhlyT.
  • 8.
    Le GREVIO rappelle que, dans la mise en œuvre de l’article 36 de la convention, « les Parties à la convention sont tenues d’adopter une législation pénale intégrant la notion d’absence de libre consentement aux différents actes sexuels répertoriés ». S’il est vrai que « les rédacteurs ont (…) laissé le soin aux Parties de décider de la formulation exacte de la législation et des facteurs considérés comme exclusifs d’un consentement libre », le libellé retenu par le législateur français met l’accent sur les éléments probatoires permettant de constater l’absence de consentement au détriment de la centralité de l’absence du consentement. En s’alignant sur les préconisations de la convention, une définition des violences sexuelles axée sur l’absence d’un consentement libre permettrait, de l’avis du GREVIO, de pallier les insuffisances qui émergent de la situation actuelle : d’un côté, une forte insécurité juridique générée par les interprétations fluctuantes des éléments constitutifs que sont la violence, la contrainte, la menace et la surprise ; d’un autre côté, l’incapacité desdits éléments probatoires à englober la situation de toutes les victimes non consentantes, notamment lorsque celles-ci sont en état de sidération. Une telle définition permettrait surtout d’opérer le changement de paradigme nécessaire pour reconnaître la centralité qui revient à la volonté de la victime, et permettrait à la France de se ranger du côté de ces pays qui ont déjà franchi ce pas important. La position du GREVIO en la matière est constante, conforme sur ce point à la jurisprudence d’autres organismes internationaux de protection des droits humains tels que le Comité de la CEDEF. Il convient donc que les autorités lancent une réflexion approfondie sur la question, en veillant à prendre en compte les préoccupations qui font actuellement obstacle à l’ouverture d’un tel débat, s’agissant, d’une part, de la crainte invoquée par certains de faire peser encore plus la charge de la preuve sur la victime et, d’autre part, de l’exigence de maintenir ferme la présomption d’innocence.
  • 9.
    Commission nationale consultative des droits de l’Homme, avis, « Lutte contre les violences sexuelles : une urgence sociale et de santé publique, un enjeu pour les droits fondamentaux », 20 nov. 2018, p. 24.
  • 10.
    Cass. crim., 2 nov. 2017, n° 16-85.499 – Cass. crim., 9 déc. 2009, n° 09-86.362 – Cass. crim., 16 janv. 2008, n° 07-87.621.
  • 11.
    Cass. crim., 23 janv. 2019, n° 18-82.833.
  • 12.
    Cass. crim., 11 sept. 2024, n° 23-86.657.
  • 13.
    L. n° 2021-478, 21 avr. 2021.
  • 14.
    C. pén., art. 222-14-3.
  • 15.
    C. pén., art. 226-14.
  • 16.
    Entrée en vigueur le 1er juin 2022, https://lext.so/kIHPjZ.
  • 17.
    https://lext.so/BV-jRq.
  • 18.
    Code pénal suédois, chapitre 6.
  • 19.
    Données du Conseil national de la prévention de la criminalité suédois, 15 juin 2020.
  • 20.
    L. organique n° 10/2022, 6 sept. 2022, dite loi de garantie intégrale de la liberté sexuelle.
  • 21.
    Cour suprême, 25 févr. 1999, n° 26752, R. c/ Ewanchuk.
  • 22.
    L’article 273.1 du Code criminel définit le consentement comme « l’accord volontaire du plaignant à l’activité sexuelle en cause ».
  • 23.
    Loi votée à l’unanimité par le Bundestag, le 7 juillet 2016.
  • 24.
    La loi est entrée en vigueur le 10 novembre 2016.
  • 25.
    AN, prop. L., n° 2170, https://lext.so/GvE_hQ – AN, prop. L., n° 842, https://lext.so/9lm5Jj.
  • 26.
    Actu-Juridique.fr 12 mars 2025, « Le Conseil d’État valide l’intégration du non-consentement dans la définition du viol » ; CE, avis consultatif, « Avis sur une proposition de loi visant à modifier la définition pénale du viol et des agressions sexuelles », 11 mars 2025, https://lext.so/AltS0n.
  • 27.
    Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, art. 9 – Conv. EDH, art. 6, § 2.
  • 28.
    Cass. crim., 11 sept. 2024, n° 23-86.657.
  • 29.
    Cass. crim., 23 janv. 2019, n° 18-82.833.
  • 30.
    Actu-Juridique.fr 12 mars 2025, « Le Conseil d’État valide l’intégration du non-consentement dans la définition du viol » ; CE, avis consultatif, « Avis sur une proposition de loi visant à modifier la définition pénale du viol et des agressions sexuelles », 11 mars 2025, https://lext.so/AltS0n.
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