Frais bancaires sur succession : l’encadrement enfin adopté

La loi n° 2025-415 du 13 mai 2025 visant à réduire et à encadrer les frais bancaires sur succession encadre les frais bancaires prélevés sur succession appliqués par les établissements de crédits teneurs des comptes du défunt, au titre de certaines opérations administratives et des transferts des avoirs aux héritiers. Elle exonère de frais bancaires plusieurs catégories de successions : les plus simples, les plus modestes et celles des mineurs. Pour les autres, elle institue un plafonnement des frais à 1 % du montant des encours.
Faute d’encadrement, les frais bancaires prélevés lors de la clôture du compte d’une personne décédée s’avèrent disproportionnés, opaques, imprévisibles et variables d’un établissement à l’autre. Une étude de l’association l’UFC-Que Choisir de février 2024 révèlent que pour une succession de 20 000 euros ils peuvent s’élever de 80 à 527,50 euros selon l’établissement. Ils ont même augmenté de 50 % en 12 ans. « L’Association de défense des consommateurs (ADC) a mis en lumière des cas pour lesquels les frais bancaires de succession atteignaient 200 euros alors même que le montant présent sur le compte bancaire était de 500 euros. De tels cas constituent des dysfonctionnements évidents et requièrent un encadrement légal », selon l’exposé des motifs de la proposition de loi n° 2056 visant à réduire et à encadrer les frais bancaires sur succession, qui a achevé son parcours parlementaire le 5 mai 2025. (https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000051586300).
Après deux précédentes initiatives parlementaires (la proposition de loi n° 309 (2021-2022) visant à encadrer les « frais bancaires de succession et la proposition de loi n° 46 (2022-2023), tendant à renforcer la protection des épargnants) non abouties il était urgent d’intervenir. C’est dans ce contexte qu’intervient la proposition de loi n° 2056, déposée par Christine Pirès Beaune, députée du Puy-de-Dôme (63), le 16 janvier 2024. Politiquement, la position du gouvernement a connu un revirement en février 2024, lorsque Bruno Le Maire, alors ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, a annoncé son soutien à la proposition de loi, qualifiant de « révoltant » et d’« inacceptable » le niveau excessif des frais bancaires prélevés à l’occasion des opérations liées aux successions.
Des frais de contrôles prélevés par les banques
Après un décès, les établissements bancaires tenant les comptes du défunt procèdent à un certain nombre de contrôles débouchant sur des opérations bancaires, comme la désolidarisation éventuelle des comptes joints, la vérification de l’authenticité de l’acte de décès, le transfert des fonds aux héritiers selon les ordres du notaire, le gel des avoirs ou encore la déclaration à l’administration fiscale. Ces frais ont représenté 200 millions d’euros en 2023, soit 1 % du total des frais bancaires. Faute d’accord de place attendue en 2021, et faute de réglementation, les tarifs pratiqués par les banques sont parfois déconnectés des coûts réellement supportés. « Librement déterminés par les banques, ils sont, dans les faits, en proie à des variations significatives au gré des établissements : du simple au quadruple à en croire une étude de 2021 conduite par l’association de consommateurs UFC-Que Choisir, avec souvent des montants forfaitaires élevés pénalisant les plus petites successions », selon l’exposé des motifs.
Le cadre que la loi met en place s’appuie sur deux mesures : des cas de gratuité pour les successions les plus simples, les plus modestes et les successions de mineurs, et un mode de calcul des frais que les banques sont autorisées à prélever.
La loi prévoit trois cas de gratuité
La loi introduit trois cas de gratuité, dans lesquels aucuns frais ne peuvent être facturés. Ils s’appliquent autant pour les comptes de dépôt, les comptes de paiement, les livrets, l’ensemble des produits d’épargne réglementée. Toutefois, ces nouvelles règles ne s’appliquent pas aux PEA, PEA-PME, comptes PME Innovation, ni aux Plans d’Épargne Avenir Climat (PEAC), conformément aux ajouts de l’Assemblée nationale en deuxième lecture. Ces cas de gratuité répondent aux situations les plus critiquées par les consommateurs et par leurs représentants.
Premier cas de gratuité : lorsque la succession répond aux conditions de la procédure de clôture des comptes simplifiée, sans notaire. Il s’agit des successions les plus simples, dans lesquelles l’héritier justifie de sa qualité d’héritier auprès de l’établissement teneur des comptes par la production d’un acte de notoriété ou par la production d’une attestation signée de l’ensemble des héritiers et que les opérations liées à la clôture ne présentent pas de complexité manifeste.
Cette complexité s’apprécie en fonction de plusieurs critères :
– l’absence d’héritiers légaux mentionnés par l’article 734 du Code civil,
– la constitution de sûretés sur lesdits comptes et produits,
– l’existence d’éléments d’extranéité, autant d’éléments « empêchant la réalisation de ces opérations dans un délai raisonnable ».
L’Assemblée nationale a ajouté deux critères supplémentaires : la présence d’un contrat de crédit immobilier en cours à la date du décès et la nature du compte à clôturer. Le critère portant sur le nombre des comptes et produits d’épargne à clôturer ne figure plus parmi les facteurs de complexité dans la version définitive de la loi.
Deuxième cas de gratuité : lorsque le montant déposé sur les comptes de la personne décédée est inférieur à 5 910 euros. Ce montant fixé par renvoi à l’arrêté mentionné de l’article L312‑1‑4, 2° du Code monétaire et financier correspond au montant maximal du débit autorisé sur les comptes du défunt pour payer les frais d’obsèques.
Troisième cas de gratuité : lorsque le détenteur des comptes était mineur à la date du décès.
« Dans les autres cas, les opérations liées à la succession (…) peuvent donner lieu au prélèvement de frais par l’établissement teneur desdits comptes et auprès duquel sont ouverts lesdits produits ».
Les conditions de calcul des frais bancaires
Le texte indique qu’un décret pris après avis du Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières détermine les conditions de calcul des frais bancaires et opérations facturés sur les comptes des personnes décédées, afin que ces frais correspondent aux coûts réellement supportés par les établissements bancaires. Toutefois, pour les cas non couverts par la gratuité, la loi institue un plafond de 1 % du montant total des soldes des comptes et de la valorisation des produits d’épargne du défunt.
Ces mesures entrent en vigueur six mois après la promulgation de la présente loi, soit le 13 octobre 2025.
Référence : AJU017k8
