Monet en pleine lumière
Grimaldi Forum Monaco
Considéré comme le père de l’impressionnisme, on oublie souvent que la démarche artistique de Claude Monet a évolué au cours du temps. Séduit en 1883 puis en 1888 par la lumière, les couleurs de la Riviera, les rapports entre ciel et mer, le soleil dardant ses rayons, il s’est réinventé, a pratiqué des couleurs plus claires, puis le dessin s’est peu à peu effacé, notamment avec la série des Nymphéas qui a ouvert la voie à l’abstraction.
Le Grimaldi Forum à Monaco fête le 140e anniversaire du premier séjour de l’artiste à Monte-Carlo avec une exposition où sont réunies une centaine d’œuvres, dont certaines ont rarement été présentées. En 1883, Monet décide d’effectuer un séjour dans cette région du Midi. Saisi par une lumière qu’il ne soupçonnait pas et qui l’enchante, il peint des paysages de mer entourée de montagnes. Afin de capter les changements de luminosité, il entreprend des séries pour la première fois. Conscient que cette peinture nouvelle suscitera des commentaires, il manifeste son enthousiasme pour cette région et écrit en 1884 : « Cela fera peut-être un peu crier les ennemis du bleu et du rose, car c’est justement cet éclat, cette lumière féerique que je m’attache à rendre ; et ceux qui n’ont pas vu ce pays crieront, j’en suis sûr, à l’invraisemblable, quoique je sois bien en dessous du ton : tout est gorge de pigeon et flamme de punch. » Tout est dit.
Dès 1872, Monet s’installe à Argenteuil, près de l’eau où il peut observer les multiples effets d’éclairage de l’atmosphère. Il cherche à exprimer une émotion visuelle plutôt que la représentation d’un site, comme en témoignent quelques tableaux présentés en ouverture de l’exposition, tel Le Pont d’Argenteuil. En une peinture nourrie, il note les éclairages, les mouvements de l’eau, ses reflets, la fugacité de l’atmosphère. Il évoque aussi, dans des œuvres plus sombres, la débâcle des glaces sur la Seine, à Vétheuil notamment ; paysage austère qu’il peint avec vérité.
En 1882, il s’installe à Giverny et l’année suivante il effectue un séjour à Monte-Carlo et la Riviera où il reviendra en 1884 puis en 1888. C’est pour lui un enchantement : il transmet la lumière, les couleurs chatoyantes de la végétation en un chromatisme clair. Ce sont de superbes panoramas où mer, collines et ciel sont évoqués sans détail, en une touche enlevée. La beauté de Bordighera semble l’avoir attiré particulièrement ; il fait revivre sur la toile « La Villa Borghèse » entourée de fleurs multicolores sous un ciel bleu ardent ; image du sud où l’on perçoit la chaleur, les senteurs.
Les 40 œuvres de cette période méditerranéenne témoignent du plaisir de Monet à peindre ces lieux paradisiaques et révèlent ses recherches qui mettent l’accent sur l’ambiance de ces paysages sans sacrifier au détail. Et au milieu de cette beauté, c’est tout à coup la silhouette si réelle d’un olivier tordu par le vent. En 1888, il peint la puissance des rochers au bord de la Méditerranée en des touches parfois tourbillonnantes. Le peintre a trouvé la liberté et affirme son attrait pour la nature ; il peint espace et lumière dans la douceur de la palette où le bleu du ciel et de la mer s’accordent au vert et rouge des bosquets et des fleurs. Il utilise le blanc pour rendre la forte luminosité.
Au début de 1900, après l’expérience du Midi, Monet travaille à Giverny, il supprime peu à peu la perspective et bientôt un nouveau souffle apparaît dans sa création avec les Nymphéas. Il les observe flottant à fleur d’eau sur l’étang de son jardin, ils semblent l’avoir fasciné. Sa peinture est alors sans volume : les formes se dissolvent quelque peu dans l’eau, l’union est intime entre couleur et matière. Au fil du temps les fleurs ne sont plus que taches multicolores dans la lumière. Une invitation à la rêverie.
Entre lyrisme et liberté, Monet préfigure l’abstraction ; il peint son rêve, son émerveillement, les formes s’estompent, un moment de rêve, de poésie.
Référence : AJU010b7
