L’exclusion d’un diacre d’une congrégation religieuse n’est pas une rupture de contrat de travail
Un évêque suspend la procédure d’ordination d’un diacre au sein de l’Église catholique et l’officialité rend une « sentence pénale » par laquelle le diacre a été renvoyé de l’état clérical. L’archevêque rend un « décret d’exécution » de cette décision aux termes duquel l’intéressé n’appartient plus au clergé, et n’est plus pris en charge matériellement par le diocèse, ni affilié à la caisse d’assurance vieillesse, invalidité et maladie des cultes.
Au regard de l’article 6 § 1 de la Conv. EDH, Il convient de rechercher si, en l’espèce, l’action engagée par l’intéressé porte sur un droit dont il peut être prétendu, de manière défendable, qu’il est protégé en droit interne.
Selon l’article 1 de la Constitution, la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances.
Selon l’article 1 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, la République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les restrictions qu’elle édicte dans l’intérêt de l’ordre public. Selon son article 2, la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte.
Le Conseil constitutionnel estime que le principe de laïcité impose notamment que soient garantis la liberté de conscience et le libre exercice des cultes, le respect de toutes les croyances, l’égalité de tous les citoyens devant la loi sans distinction de religion. Il ajoute qu’il en résulte aussi la neutralité de l’État et le principe selon lequel la République ne reconnaît ni ne salarie aucun culte (Cons. const., 21 févr. 2013, QPC n° 2012-297).
Le Conseil d’État juge que aucune autre règle ou principe général du droit ne sauraient avoir pour effet de conférer aux décisions prises par les archevêques et évêques pour l’organisation du culte catholique dans leurs diocèses le caractère de décisions administratives soumises au contrôle du juge administratif et qu’il en est ainsi de la décision de nomination du curé titulaire d’une paroisse prise par un évêque, y compris en tant qu’elle a des conséquences sur les modalités d’occupation du presbytère de la paroisse concernée (CE, 17 oct. 2012, n° 352742).
La Cour de cassation juge que l’engagement religieux d’une personne exclut l’existence d’un contrat de travail pour les activités qu’elle accomplit pour le compte et au bénéfice d’une congrégation ou d’une association cultuelle légalement établie (Cass. soc., 20 janv. 2010, n° 08-42.207). Les ministres du culte concernés, au nombre desquels se trouvent ceux liés à une association diocésaine, ne peuvent donc pas invoquer l’existence d’un contrat de travail.
Dès lors que l’engagement religieux n’est pas de nature à créer des obligations civiles, ces ministres du culte ne sauraient davantage soutenir que les avantages matériels qui leur sont octroyés pour l’exercice de leurs fonctions cultuelles le sont en exécution d’un contrat.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments qu’il n’appartient pas au juge civil d’apprécier la régularité ou le bien-fondé de la décision de nomination ou de révocation d’un tel ministre du culte prise par une autorité religieuse légalement établie en application des règles internes qui la gouvernent.
Cette règle s’inscrit dans la jurisprudence de la CEDH, qui juge que le principe d’autonomie des communautés religieuses, découlant de l’article 9 de la Convention, interdit à l’État d’obliger celles-ci à admettre en leur sein de nouveaux membres ou d’en exclure d’autres (CEDH, 9 juill. 2013, n° 2330/09).
Dès lors, l’indemnisation de préjudices nés de la décision d’une association diocésaine de mettre fin à la prise en charge matérielle consentie au ministre du culte pour l’exercice de son ministère, lorsqu’elle n’est pas détachable de la décision de révocation, n’est pas un droit défendable au sens de l’article 6 § 1, de la Conv. EDH.
La cour d’appel retient que les demandes de l’intéressé sont relatives à un service ecclésiastique, qui relève de la seule organisation interne de sa communauté religieuse, et que les préjudices invoqués, liés à la perte de la rémunération, du logement de fonction et du bénéfice de l’assurance sociale, ne sont que la conséquence de son renvoi de l’état clérical. Elle ajoute que sa contestation impose d’apprécier à la fois la validité de la procédure suivie devant la juridiction ecclésiastique et le caractère fautif du décret de mise à exécution de cette décision, lesquels relèvent de l’autonomie religieuse.
Ayant ainsi fait ressortir que les demandes formées par le demandeur contre l’association diocésaine au titre de la perte des avantages matériels, lesquels ne sont pas détachables de son engagement cultuel, ne sont pas fondées sur un droit civil défendable au sens de l’article 6 § 1, de la Conv. EDH, la cour d’appel en déduit qu’il n’entre pas dans les pouvoirs du juge civil de statuer sur celles-ci.
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