Prison de haute sécurité : le Conseil d’État valide le principe mais demande des aménagements

Le Gouvernement a le feu vert du Conseil d’État pour créer des quartiers de haute sécurité pour les narcotrafiquants. Saisi par l’exécutif sur son amendement à la proposition de loi Narcotrafic, les Sages du Palais Royal ont validé le principe de l’instauration de prisons de haute sécurité dans un avis du 13 mars 2025, tout en émettant certaines réserves.
Pour rappel, le texte, adopté par les députés en commission des lois, vise à instaurer des « quartiers de lutte contre la criminalité organisée » dans les établissements pénitentiaires afin d’empêcher les détenus dangereux de poursuivre leurs activités criminelles depuis la prison. Cette mesure, décidée par le garde des sceaux pour une durée de quatre ans renouvelable, concernerait les individus impliqués dans la criminalité organisée et entraînerait des restrictions spécifiques, telles que des fouilles systématiques, une séparation stricte lors des visites et une limitation des communications.
Droits des personnes détenues et objectif de défense de l’ordre public. Cependant, le Conseil d’Etat estime que le projet d’amendement « n’opère pas une conciliation suffisamment proportionnée entre les droits des personnes détenues et l’objectif de défense de l’ordre public et de prévention des infractions et ne respecte pas, par suite, les exigences constitutionnelles et conventionnelles » en ce que, d’une part, « il ne prévoit, pendant quatre ans, aucune autre possibilité d’adaptation et d’individualisation du régime que la fin de celui-ci et, d’autre part, impose des fouilles intégrales systématiques après tout contact non surveillé avec une personne extérieure à l’établissement ». Pour remédier à ces risques d’inconstitutionnalité et d’inconventionnalité, le Conseil d’Etat considère donc que plusieurs aspects du régime doivent être aménagés et recommande par ailleurs des améliorations rédactionnelles : réduire la durée d’affectation à deux ans, mieux cibler les critères d’application, adapter le régime des fouilles et préciser « que les mesures de restriction de l’accès au dispositif de correspondance téléphonique mises en place au sein de ce régime ne s’appliquent pas aux échanges, dont la confidentialité est constitutionnellement garantie, entre les personnes détenues et leurs avocats au risque sinon de méconnaître le principe du respect des droits de la défense ».
Parloirs. Concernant la séparation aux parloirs, qui vise à prévenir l’introduction d’objets illicites en prison et à réduire les menaces des réseaux criminels sur les familles des détenus, il reste conforme aux exigences constitutionnelles et conventionnelles, dès lors qu’il n’est pas prévu de limiter l’accès aux parloirs ni le nombre de visites, garantissant ainsi le droit à une vie familiale normale en détention, estime le Conseil d’État. Ce dernier relève notamment qu’un aménagement spécifique permet un contact physique entre un détenu et son enfant mineur de moins de 16 ans, sous condition d’autorité parentale. S’il ne voit pas d’obstacle juridique à cette restriction, il recommande toutefois d’envisager une seconde possibilité d’aménagement pour des situations familiales exceptionnelles. Il suggère également d’adapter les parloirs avec les avocats pour faciliter l’échange de documents sans nécessiter de fouilles systématiques.
Visioconférence. Enfin, s’agissant du recours accru à la visioconférence pour la comparution des détenus dans les procédures judiciaires, destiné à limiter les extractions sensibles, le Conseil d’État estime que, bien que ce dispositif ne soit pas contraire aux principes constitutionnels et conventionnels, il ne doit pas porter atteinte aux droits de la défense et au droit à un procès équitable. Il souligne que la suppression de la possibilité pour le détenu de refuser la visioconférence, notamment dans le cadre de la détention provisoire, pourrait être excessive. Toutefois, il considère que si le dispositif est limité aux détenus placés dans des quartiers de lutte contre la criminalité organisée, le recours à la visioconférence pourrait être la règle, sous réserve de garanties et de la possibilité pour le juge d’ordonner une comparution physique.
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