Nouvelles conditions pour le mémoire d’association en cassation : non-rétroactivité
À la suite d’un incendie qui a détruit un immeuble, la propriétaire assigne les assureurs devant un TGI afin d’obtenir réparation de son préjudice résultant de ce sinistre.
Un pourvoi est formé par l’un d’eux et, lors de l’instance de cassation, le président de l’Ordre des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation dépose, en application des articles L. 431-3-1 du Code de l’organisation judiciaire et 1015-2 du Code de procédure civile, une note écrite et est entendu à l’audience publique.
Aux termes de l’article 16 du Code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
Pour condamner la société Generali à payer à la propriétaire une certaine somme au titre de l’indemnisation d’un bâtiment, l’arrêt relève que les conditions générales du contrat souscrit par l’assurée auprès d’elle stipulent que lorsque le bâtiment sinistré n’est ni reconstruit, ni remis en état, l’indemnité correspond à sa valeur d’usage, définie comme sa valeur de reconstruction à neuf, vétusté déduite, dans la limite de sa valeur économique.
En statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen relevé d’office, la cour d’appel viole le texte susvisé.
En application de l’article 614 du Code de procédure civile, toute partie qui y a intérêt peut former un pourvoi incident ou provoqué contre un jugement lui faisant grief. Elle dispose d’un délai prévu à l’article 982 du Code de procédure civile pour remettre un mémoire au greffe de la Cour de cassation, notifié aux autres parties.
Par ailleurs, si la remise d’un mémoire d’association dans une instance de cassation en matière civile n’est prévue par aucun texte, elle n’est prohibée par aucune disposition légale ou réglementaire.
Or, selon une jurisprudence constante depuis 1984, la Cour de cassation admet qu’une partie à l’instance, qui n’a pas formé de pourvoi incident, demande, par un mémoire d’association, à bénéficier de la cassation si elle venait à être prononcée à la demande d’une autre partie (Cass. 1re civ., 24 janv. 1984, n° 82-15.533). Tel est le cas, notamment, dans l’hypothèse où la cassation est demandée par un coobligé in solidum (Cass. 3e civ., 16 mars 2022, n° 20-16.829).
En vertu de cette jurisprudence, la remise d’un mémoire d’association tend à obtenir l’extension d’une cassation ou d’une annulation afin qu’elle soit prononcée au bénéfice de son auteur.
En effet, selon l’article 624 du Code de procédure civile, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l’arrêt qui la prononce. Elle s’étend également à l’ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d’indivisibilité ou de dépendance nécessaire.
Il résulte de ces dispositions que la Cour de cassation a le pouvoir, d’office ou à la demande d’une partie, d’apprécier l’étendue d’une cassation en définissant sa portée au dispositif de son arrêt.
Ainsi qu’il ressort de l’audition du président de l’Ordre des avocats aux conseils et de la note écrite déposée à cette occasion, la remise d’un mémoire d’association répond à plusieurs objectifs, qui sont notamment les suivants.
En premier lieu, dans un objectif de simplification de la procédure, la remise d’un mémoire d’association, sans contraindre son auteur à former, dans tous les cas, un pourvoi principal ou incident pour reprendre des moyens identiques à ceux d’un mémoire ampliatif d’un demandeur au pourvoi ou d’un mémoire en défense portant pourvoi incident, lui permet d’attirer l’attention de la Cour de cassation sur l’étendue de la cassation ou de l’annulation pouvant être prononcée en application de l’article 624 du Code de procédure civile.
En second lieu, l’auteur d’un mémoire d’association peut avoir intérêt, sans formuler un moyen qui lui soit propre, à ce que la Cour de cassation apprécie l’extension d’une cassation à son bénéfice dans l’hypothèse où le pourvoi serait accueilli sur le ou les chefs de dispositif visés.
Compte tenu des objectifs poursuivis, qui convergent avec celui d’une bonne administration de la justice et les finalités de l’article 624 précité, il n’y a pas lieu de revenir sur la jurisprudence.
Toutefois, afin que soient respectés le principe de la contradiction et les droits de toutes les parties à l’instance de cassation, il convient de préciser les conditions dans lesquelles un mémoire d’association peut être remis.
En premier lieu, s’agissant des matières avec représentation obligatoire, un mémoire d’association ne peut être remis que par une partie à l’instance de cassation ayant constitué avocat aux conseils.
En deuxième lieu, l’association au pourvoi doit être expressément formulée dans un mémoire remis au greffe de la Cour de cassation dans le délai de remise des mémoires en réponse.
En troisième lieu, un tel mémoire doit être notifié aux avocats des autres parties à l’instance de cassation ou signifié, dans les mêmes délais et selon les mêmes modalités qu’un mémoire en réponse.
Ces règles étant affirmées pour la première fois dans le présent arrêt, leur application rétroactive dans les instances de cassation en cours dans lesquelles un mémoire d’association a été déjà déposé, aboutirait à priver leur auteur du droit à un procès équitable.
Par conséquent, s’agissant d’une règle de procédure, le droit à un procès équitable et l’objectif, reconnu par le Conseil constitutionnel, d’une bonne administration de la justice, commandent d’écarter l’application rétroactive de ces règles de procédure qui ne s’appliqueront qu’aux pourvois formés à compter du présent arrêt.
Sources :