Précisions sur la validité des règles relatives au formalisme des clauses de police d’un contrat d’assurance

Publié le 11/04/2025
Précisions sur la validité des règles relatives au formalisme des clauses de police d’un contrat d’assurance
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Dans un arrêt du 19 décembre 2024, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a rappelé l’importance du formalisme des clauses de police. Lorsqu’elles édictent des nullités, des déchéances ou des exclusions, elles ne sont valables qu’à la condition d’être mentionnées en caractères très apparents. Elle a également précisé que l’invocation des règles relatives au formalisme des clauses de police d’un contrat d’assurance se limite aux parties au contrat. Par ailleurs, elle a retenu l’absence de toute contrariété à une loi de police d’une stipulation contractuelle réduisant à deux ans la garantie des produits défectueux.

Le 19 décembre 2024, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a rendu un arrêt de rejet concernant la validité des clauses de police dans un contrat d’assurance. La solution apportée rappelle l’importance du formalisme de ces clauses dans une finalité de protection de l’assuré.

En l’espèce, en 2009, une société a entrepris l’installation de panneaux photovoltaïques sur le bâtiment d’un élevage de chevaux. En juillet 2012, cet équipement a subi un départ de feu et, au cours de l’année 2013, plusieurs autres dysfonctionnements sont apparus. Du fait des préjudices subis, la société détentrice du bâtiment a assigné en responsabilité et en indemnisation l’assureur de l’installateur ainsi que l’assureur du constructeur de l’équipement. Ce dernier a appelé en intervention forcée l’assureur de la société ayant fourni les boîtiers de jonction de l’ouvrage.

Déboutée par un arrêt du 22 mars 2022 de la cour d’appel de Montpellier de ses demandes de garantie et d’indemnisation formées à l’encontre de l’assureur du constructeur des panneaux photovoltaïques, la société a formé un pourvoi en cassation. Il est particulièrement intéressant de porter l’attention sur certains arguments présents dans le premier moyen.

Premièrement, elle reproche aux juges du fond d’avoir privé leur décision de base légale en ne constatant pas que les clauses d’exclusion de garantie étaient rédigées en caractères « très apparents ». Les clauses litigieuses étant stipulées dans le contrat conclu entre le constructeur et son assureur, la Cour de cassation était donc invitée à déterminer si la société victime, tiers au contrat d’assurance, pouvait invoquer les règles relatives au formalisme des clauses de police.

Deuxièmement, elle estime que la clause limitant la garantie responsabilité civile de l’assureur à un délai inférieur à celui au cours duquel la responsabilité de l’assuré peut être recherchée est inapplicable comme étant contraire à l’ordre public au motif qu’elle prive la victime de l’action directe dont elle est titulaire contre l’assureur. La cour d’appel ayant retenu l’application de cette clause, le demandeur au pourvoi considère qu’elle a violé les articles L. 124-3, énonçant que « le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable », et L. 181-3 du Code des assurances, prévoyant l’application des dispositions d’ordre public de la loi française applicables quelle que soit la loi régissant le contrat. Ledit contrat d’assurance étant soumis à la loi néerlandaise, la Cour de cassation devait vérifier si la stipulation limitant à deux ans la garantie des produits défectueux, alors que la responsabilité de l’assuré peut être engagée pendant une durée supérieure, contrevient à une loi de police au sens de l’article L. 181-3 du Code des assurances.

À la première question, la haute juridiction répond par la négative. Tout en rappelant la nécessité pour l’assureur de respecter le formalisme exigé par l’article L. 112-4 du Code des assurances pour garantir la validité des clauses de police, elle précise avec fermeté que le tiers au contrat d’assureur ne peut en aucun l’invoquer (I). À la deuxième interrogation, la Cour de cassation répond que l’article L. 124-3 du Code des assurances ne constitue pas une loi de police, ce qui, par voie de conséquence, revient à écarter les arguments du moyen et à retenir l’absence de contrariété à une loi de police de la clause réduisant à deux ans la garantie des produits défectueux (II).

I – L’invocation limitée du formalisme relative aux clauses de police

Dans ses motifs, la Cour de cassation rappelle la lettre de l’alinéa 2 de l’article L. 112-4 du Code des assurances, à savoir que « les clauses de police édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents ».

Le rappel de ce principe est de toute évidence lié à l’importance de formalisme pour l’assuré, lequel en tire une protection certaine face à l’opacité initiale du contrat d’assurance contracté auprès de l’assureur. Comme le souligne la jurisprudence, « la rédaction en caractères très apparents doit attirer spécialement l’attention de l’assuré sur certaines clauses particulièrement importantes pour lui »1, et cette « obligation de faire figurer certaines mentions de la police d’assurance en caractères très apparents n’est satisfaite qu’à la condition que, grâce à leur grande lisibilité, la teneur de ces mentions ne puisse pas échapper à l’assuré »2.

Laissé à l’appréciation souveraine des juges du fond3, mais dont la mise en œuvre de la notion demeure sous contrôle de la Cour de cassation4, ce formalisme conditionne la validité des clauses de polices du contrat d’assurance qui ont une incidence déterminante pour l’assuré. Il est donc indispensable pour l’assureur, en tant que débiteur, et au risque de ne pouvoir appliquer ces clauses, de les mentionner en caractères très apparents dans le contrat, par exemple dans les conditions générales et à la condition de les avoir remises à l’assuré5.

Sont concernées les clauses prévoyant des nullités. Il en est ainsi de celle stipulant « que le défaut de déclaration de l’hypothèque est de nature à entraîner la nullité du contrat »6. Entrent également dans le champ d’application les clauses édictant des déchéances ou des exclusions7, qui sont conséquentes pour l’assuré étant donné qu’elles vont le priver des bénéfices de l’assurance. En revanche, ne constituent pas des clauses soumises à la règle de l’article L. 112-4 du Code des assurances celles définissant le risque assuré8, une condition de garantie9, ou celles se bornant à renvoyer aux conditions générales, en prévoyant qu’« il n’est pas autrement dérogé aux clauses, conventions et exclusions des conditions générales »10.

En sus de ce rappel, la haute juridiction retient que l’invocation du non-respect de formalisme est limitée « aux seules parties au contrat d’assurance ». Cette position s’inscrit dans une jurisprudence constante, la troisième chambre civile ayant considéré dans un arrêt 28 octobre 2003 que « la validité formelle d’une clause d’exclusion de garantie ne pouvait être contestée, (…) que par les parties au contrat d’assurance »11. Cette solution répond de l’effet relatif du contrat et implique que seul l’assuré, en sa qualité de cocontractant, est bénéficiaire de cette règle et la sanction implique pour l’assureur de ne pouvoir se prévaloir de la clause litigieuse12. Cela explique qu’en l’espèce le demandeur au pourvoi, ayant subi le préjudice, ne pouvait se prévaloir de l’article L. 112-4 du Code des assurances au motif qu’il était tiers au contrat d’assurance conclu entre le constructeur et l’assureur de ce dernier.

II – L’absence de contrariété à une loi de police d’une stipulation réduisant à deux ans la garantie des produits défectueux

Dans cet arrêt, la Cour de cassation rappelle également que, conformément à l’article L. 124-3, alinéa 1er, du Code des assurances, « le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable ». La mise en jeu éventuelle de cette disposition s’expliquait par le fait que la victime du dommage est tierce au contrat conclu entre le constructeur et l’assureur de ce dernier. Il convenait de déterminer si ce tiers pouvait se prévaloir de cet article pour espérer bénéficier d’une prise en charge quand bien même une loi néerlandaise pouvait s’appliquer.

Dans un premier temps, la juridiction suprême relate la constance de la jurisprudence selon laquelle « toute clause, même d’un contrat d’assurance facultative, ayant pour effet de réduire la garantie de l’assureur à un temps inférieur à la durée de la responsabilité de l’assurée est génératrice d’une obligation sans cause et doit être réputée non écrite »13.

Dans un deuxième temps, étant donné que le contrat d’assurance était soumis à la loi néerlandaise, elle a recherché à déterminer si la limitation de la garantie à deux ans, alors que la responsabilité de l’assurée peut être engagée pendant une durée supérieure, était contraire à une loi de police au sens de l’article L. 181-3 du Code des assurances. Elle indique, selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, que « la qualification de dispositions nationales de lois de polices et de sûreté par un État membre vise les dispositions dont l’observation a été jugée cruciale pour la sauvegarde de l’organisation politique, sociale ou économique de l’État membre concerné, au point d’en imposer le respect à toute personne se trouvant sur le territoire national dudit État membre ou à tout rapport juridique localisé dans celui-ci »14. En effet, il convient de considérer qu’une loi de police constitue « une disposition impérative dont le respect est jugé crucial par un pays pour la sauvegarde de ses intérêts publics au point d’en exiger l’application à toute situation entrant dans son champ d’application, quelle que soit la loi applicable au contrat en vertu du règlement (Rome 1) »15. En outre, selon la Cour de justice de l’Union européenne, il revient au juge national d’apprécier le caractère de loi de police de la loi nationale et de son caractère impératif en tenant compte, tant des termes précis de la loi, que de son économie générale et de l’ensemble des circonstances entourant son adoption16. Pour ce faire, il convient pour la juridiction saisie d’apprécier si l’application de la disposition « s’avère absolument nécessaire pour protéger l’intérêt essentiel concerné dans le contexte du cas d’espèce »17. À cet égard, la Cour de justice de l’Union européenne ajoute qu’une juridiction nationale n’a pas à appliquer des dispositions nationales visant à protéger des intérêts individuels, au titre de « dispositions impératives dérogatoires », à moins que l’analyse circonstanciée conduise à faire « clairement apparaître que la protection des intérêts individuels d’une catégorie de personne, à laquelle tendent ces dispositions nationales, correspond à un intérêt public essentiel dont elles assurent la sauvegarde »18. À l’appui de cet argumentaire, et procédant par analogie, la Cour de cassation estime que la loi de police au sens de l’article L. 181-3 du Code des assurances doit répondre à ces exigences.

Par voie de conséquence, la haute juridiction retient que l’article L. 124-3 du Code des assurances, prévoyant l’impossibilité de prévoir un délai de garantie inférieur à la durée de la responsabilité de l’assuré, ne constitue pas une loi de police au motif qu’il ne s’agit pas « d’une loi dont l’observation, en matière d’assurance facultative, est nécessaire pour la sauvegarde de l’organisation politique, sociale et économique du pays au point de régir impérativement la situation, quelle que soit la loi applicable ».

Ce raisonnement, cohérent, a pour effet de réduire la protection accordée au tiers lésé par son droit d’action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable.

En revanche, l’application des principes régissant le conflit de loi concernant l’action directe de la partie lésée contre l’assureur du responsable peut lui être bénéfique dans d’autres situations19. Il en a été ainsi pour un contrat d’assurance auquel le droit anglais s’appliquait, et dont une clause imposait au responsable d’un sinistre d’indemniser la victime pour être remboursé par son assureur, ce qui rendait l’action directe de la victime impossible. Dans cette hypothèse, la Cour de cassation a retenu, d’après l’article 11, paragraphe 2 du règlement Bruxelles I, et des principes susmentionnés, que l’opposabilité de cette clause à la victime s’analyse « en une règle de la loi du contrat régissant la possibilité de l’action directe, qui est évincée par la loi française, laquelle est applicable à l’obligation principale à raison de la survenance du dommage en France, et dont l’article L. 124-3 du Code des assurances, d’application générale, accorde au tiers lésé une action directe contre l’assureur de responsabilité de l’auteur du dommage »20.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Cass. 2e civ., 15 avr. 2010, n° 09-11.667 : D. 2011, p. 1926, comm. H. Groutel.
  • 2.
    Cass. civ., 14 mai 1946 : D. 1946, p. 281, note P. L.-P. ; RGAT 1946, p. 282 ; GADA, p. 156, obs. J. Berr et H. Groutel.
  • 3.
    Cass. 1re civ., 1er déc. 1998, n° 96-18.993.
  • 4.
    Cass. 2e civ., 26 avr. 2007, n° 06-13.379.
  • 5.
    Cass. 2e civ., 25 juin 2009, n° 08-16.206.
  • 6.
    Cass. 2e civ., 15 avr. 2010, n° 09-11.667.
  • 7.
    Par ex., Cass. 2e civ., 14 oct. 2021, n° 20-11.980.
  • 8.
    Cass. 1re civ., 27 nov. 1990, n° 88-12.964.
  • 9.
    Cass. 2e civ., 15 mars 2007, n° 06-12.104.
  • 10.
    Cass. 2e civ., 26 nov. 2020, n° 19-16.797.
  • 11.
    Cass. 3e civ., 28 oct. 2003, n° 01-13.490.
  • 12.
    Cass. 1re civ., 24 nov. 1993, n° 91-21.114.
  • 13.
    Cass. 3e civ., 26 nov. 2015, n° 14-25.761 – Cass. com., 14 déc. 2010, nos 08-21.606 et 10-10.738 – Cass. 1re civ., 19 déc. 1990, n° 88-12.863.
  • 14.
    CJUE, 17 oct. 2013, n° C-184/12, United Antwerp Maritime Agencies (Unamar) NV.
  • 15.
    CJUE, 17 oct. 2013, n° C-184/12, United Antwerp Maritime Agencies (Unamar) NV.
  • 16.
    CJUE, 31 janv. 2019, n° C-149/18, Da Silva Martins.
  • 17.
    CJUE, 5 sept. 2024, n° C-86/23, Huk Coburg.
  • 18.
    CJUE, 5 sept. 2024, n° C-86/23, Huk Coburg.
  • 19.
    Comme exposé par l’arrêt, « l’action est possible si elle est permise, soit par la loi de l’obligation principale, soit par la loi du contrat d’assurance, de sorte que, si la loi de l’obligation principale l’autorise, la loi du contrat d’assurance, applicable au régime de l’assurance, ne peut y faire obstacle et ne peut être invoquée que dans ses dispositions qui régissent les relations entre l’assureur et l’assuré, dispositions à laquelle la question de l’action directe est étrangère ».
  • 20.
    Cass. 1re civ., 18 déc. 2024, n° 21-23.252.
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