La géolocalisation des véhicules devant le Conseil d’État : pas de robot sans humain

Publié le 10/04/2025
La géolocalisation des véhicules devant le Conseil d’État : pas de robot sans humain
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La géolocalisation des véhicules et par suite la géoverbalisation sont autorisées sur le fondement de plusieurs textes de droit. Cependant, étant donné les marges d’erreur que comportent ces procédés, l’automobiliste risque de se voir verbalisé à tort. Selon l’emplacement précis du véhicule, du côté des numéros pairs ou impairs d’une voie par exemple, celui-ci se trouve en règle ou non, en fonction de ses droits de stationnement. Les procédures sont largement dématérialisées et l’usager mal informé pourrait être amené à régler une amende indue. Le Conseil d’État apporte de bienvenues précisions exigeant une vigilance accrue.

La géolocalisation des véhicules relève directement ou indirectement de plusieurs bases juridiques, du droit des collectivités territoriales jusqu’au droit de l’Union européenne. Ces fondements s’observent à la lecture des visas de la décision rendue par le Conseil d’État le 18 novembre 20241, qui mentionnent notamment un règlement du Parlement et du Conseil de 20162, le Code général des collectivités territoriales, le Code de la route, et les dispositions relatives à l’informatique et aux libertés.

Dans le cadre de la loi de Modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM3), l’amende pénale de défaut de paiement d’un stationnement payant a été remplacée par un « forfait de post-stationnement » (FPS) sous la responsabilité des communes et intercommunalités4. Ce forfait de post-stationnement peut être contesté par un recours préalable obligatoire devant l’administration (RAPO). Dans un second temps, la commission du contentieux du stationnement payant (CCSP), dénommée depuis le 1er janvier 2025 tribunal du stationnement payant, peut être saisi5. Enfin, le Conseil d’État est compétent en cassation. C’est par une cassation et un règlement de l’affaire au fond, selon l’article L. 821-2 du Code de justice administrative, que le Conseil d’État donne un nouvel éclairage et de nouvelles garanties en la matière.

Quand la machine se trompe peut-être davantage que l’humain. Ainsi pourrait-on résumer la morale de la décision du Conseil d’État. Il s’agit de voitures conçues pour identifier jusqu’à 1 500 plaques d’immatriculation par heure, avec géolocalisation. Le système compare ensuite chacune d’entre elles avec les données des horodateurs et des applications de paiement de stationnement, puis verbalise en cas de défaut de paiement.

Paris, Lyon, Bordeaux, Toulouse, Grenoble, Strasbourg, Lille, Nancy ou encore Rennes – et d’autres villes parfois beaucoup plus petites – en sont dotées6. Appelés trivialement « sulfateuses à PV » ou « scan car », ces véhicules équipés d’un système à lecture automatique des plaques d’immatriculation (LAPI) sillonnent les rues où le stationnement est payant. Pour pouvoir identifier les véhicules dont le propriétaire n’a pas payé le stationnement, chaque voiture LAPI est équipée de plusieurs caméras fixées sur son toit, lesquelles détectent les plaques d’immatriculation des véhicules stationnés. À l’intérieur de la voiture LAPI, une tablette collecte ces informations et les transmet à la société privée mandatée par la municipalité, qui va s’assurer que le stationnement a bien été payé. Si la plaque d’immatriculation d’un véhicule n’apparaît pas dans la base de données dans laquelle sont enregistrés les paiements, il en est déduit que le propriétaire n’a vraisemblablement pas payé son stationnement7. Cependant, « vraisemblablement » ne signifie pas « certainement » et il existe un risque d’erreur non négligeable. C’est le cas d’une automobiliste contestant l’infraction qui permet au Conseil d’État de préciser les conditions de validité des amendes ainsi dressées.

En l’espèce, la voiture en question appartenant à une résidente, stationnée côté pair d’une rue du 17e arrondissement de Paris, bénéficiait d’un stationnement résidentiel, dûment payé. Mais la mairie de Paris refusait de le reconnaître : le système LAPI avait géolocalisé la voiture au n° 5 de la rue, hors de la zone prévue. La requérante avait fait l’objet de plusieurs avis de paiement de forfait de post-stationnement (FPS) portant la mention selon laquelle le véhicule était stationné du côté impair de la rue, soit du côté non couvert par le tarif résidentiel de l’intéressée.

La requérante avait initialement formé des recours administratifs préalables obligatoires, prévus au deuxième alinéa du VI de l’article L. 2333-87 du Code général des collectivités territoriales. Ces recours ont été rejetés, et l’intéressée a saisi la commission du contentieux du stationnement payant en application du quatrième alinéa du même VI du même article, qui a jugé que, faute pour la requérante d’apporter de commencement de preuve contraire, la mention relative à la localisation du véhicule portée sur l’avis de paiement du forfait de post-stationnement par l’agent assermenté faisait foi, en application de la présomption fixée au II de l’article L. 2333-87 du Code général des collectivités territoriales. C’est cette absence de commencement de preuve contraire qui conduit le juge administratif à censurer la CCSP.

L’affaire présentée devant le Conseil d’État vise ainsi l’annulation des deux décisions de la CCSP, arguant du fait qu’il appartient à la Ville de Paris, d’une part, d’établir qu’un agent assermenté a effectivement constaté la localisation du véhicule et, d’autre part, de faire la preuve de l’exactitude des mentions résultant de la géolocalisation. La requérante indique s’être souvent plainte du mauvais fonctionnement des appareils de géolocalisation de la société MOOVIA, prestataire de la Ville de Paris, qui lui impute des FPS « à des adresses farfelues ou des numéros de rue décalés » et avoir « presque systématiquement gain de cause8 ». Ces dysfonctionnements ont conduit le Conseil d’État à préciser sa jurisprudence dans le sens d’une meilleure prise en compte des risques d’erreur. Le Conseil juge ainsi que les automobilistes doivent être en mesure de contester pleinement ces forfaits de post stationnement (FPS) et précise les règles.

Le Conseil d’État, en faisant droit au recours présenté devant lui, et en décidant de le juger au fond, précise les contours de la légalité des décisions de verbalisation prises sur la base de la géolocalisation. Si les bases juridiques autorisent la vidéolocalisation des véhicules (I), les risques d’erreurs impliquent une vigilance accrue des autorités (II).

I – Les bases juridiques de la vidéolocalisation des véhicules

Les bases juridiques de la vidéolocalisation des véhicules sont essentiellement locales (A), mais aussi, au regard de la protection des données, nationales et européennes (B).

A – La vidéolocalisation des véhicules organisée par le Code général des collectivités territoriales

Les collectivités territoriales ou leurs regroupements sont compétentes pour instituer des taxes de stationnement. Le code en prévoit les modalités (1) et les recours possibles (2).

1 – Les modalités d’institution des taxes de stationnement

Selon le I de l’article L. 2333-87 du Code général des collectivités territoriales, sans préjudice de l’application des articles L. 2213-2 et L. 2512-149, le conseil municipal ou l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale ou du syndicat mixte compétent pour l’organisation de la mobilité peut instituer une redevance de stationnement, compatible avec les dispositions du plan de mobilité, s’il existe. Selon le II du même article : « Le montant du forfait de post-stationnement dû, déduction faite, le cas échéant, du montant de la redevance de stationnement réglée dès le début du stationnement, est notifié par un avis de paiement. Les mentions portées sur l’avis de paiement du forfait de post-stationnement par l’agent assermenté font foi jusqu’à preuve contraire ».

Selon l’article R. 2333-120-4 du Code général des collectivités territoriales, le montant du forfait de post-stationnement dû est notifié par un avis de paiement qui comprend deux parties intitulées respectivement « Établissement de l’avis de paiement du forfait de post-stationnement » et « Modalités de paiement et contestation ». La première partie de l’avis de paiement comporte notamment la date, l’heure et le lieu de constatation de l’absence ou de l’insuffisance de paiement immédiat de la redevance. Des recours sont prévus au service des usagers.

2 – Les recours possibles contre la verbalisation pour non-respect des règles de stationnement

Le droit au recours est organisé en deux temps, avec d’abord le RAPO (recours administratif préalable obligatoire), puis, en cas de recours infructueux, la possibilité de recourir à la commission du contentieux du stationnement payant, qui est compétente. Les décisions de cette dernière sont susceptibles de recours devant le Conseil d’État ; ce qui a conduit à l’espèce ici commentée.

Ainsi, selon le deuxième alinéa du VI de l’article L. 2333-87 du Code général des collectivités territoriales, les recours contentieux visant à contester l’avis de paiement du montant du forfait de post-stationnement dû font l’objet d’un recours administratif préalable obligatoire auprès de la commune, de l’établissement public de coopération intercommunale, du syndicat mixte ou du tiers contractant dont relève l’agent assermenté ayant établi ledit avis.

Selon le quatrième alinéa du même VI de cet article, la décision rendue à l’issue du RAPO contre l’avis de paiement du forfait de post-stationnement peut faire l’objet d’un recours devant la commission du contentieux du stationnement payant. Le titre exécutoire émis en cas d’impayé peut également faire l’objet d’un recours devant cette commission. Il se substitue alors à l’avis de paiement du forfait de post-stationnement impayé.

L’article R. 2333-120-44 du même code, relatif à la procédure devant la commission du contentieux du stationnement payant, précise que la commune, l’établissement public de coopération intercommunale ou le syndicat mixte compétent dispose d’un délai d’un mois à compter de la date à laquelle lui est communiquée la requête pour produire un mémoire en défense. Cette communication vaut mise en demeure. À défaut de production, l’instruction est close et le défendeur est réputé avoir acquiescé aux faits exposés dans la requête du requérant. Ce qui signifie que la charge de la preuve revient à la personne publique concernée.

La vidéolocalisation, en ce qu’elle met en œuvre des données personnelles, se trouve aussi encadrée par les règles de droit applicables en la matière ; elles sont nationales et européennes.

B – Les règles nationales et européennes applicables à la videolocalisation des véhicules

Si ces systèmes de localisation sont mis à la disposition des communes dans les conditions expliquées ci-dessus, leur organisation et leur mise en œuvre sont soumises aux règles relatives à la protection des données.

Selon l’article 47 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, aucune décision produisant des effets juridiques à l’égard d’une personne ou l’affectant de manière significative ne peut être prise sur le seul fondement d’un traitement automatisé de données à caractère personnel.

Selon l’article 22 du règlement européen du 27 avril 2016 (RGPD10), la personne concernée a le droit de ne pas faire l’objet d’une décision fondée exclusivement sur un traitement automatisé, y compris le profilage, produisant des effets juridiques la concernant ou l’affectant de manière significative de façon similaire.

La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a adopté le 14 novembre 2017 une recommandation précisant le cadre dans lequel s’inscrit, en matière de traitement de données personnelles, la mise en œuvre de la réforme au 1er janvier 2018 du stationnement payant prévue par la loi du 27 janvier 2014. Elle relève notamment que « les données collectées par les dispositifs de LAPI ne peuvent servir qu’à réaliser des pré-contrôles du paiement du stationnement en vue de faciliter le travail des agents de contrôle ». « Dès lors, les collectivités ne sauraient en aucun cas recourir à un quelconque dispositif de contrôle du paiement du stationnement automatisé de bout en bout. Le constat de l’absence ou l’insuffisance de paiement et l’initiation de la procédure de FPS doivent être réalisés par un agent de contrôle » ; en conséquence, « le constat de l’irrégularité du stationnement d’un véhicule doit se faire en temps réel. Sauf justification particulière, l’agent ne doit pas utiliser les informations collectées par le dispositif de LAPI pour constater l’irrégularité et établir le FPS a posteriori » ; si « le véhicule a fait l’objet d’un FPS pendant la période pendant laquelle la redevance peut être déduite du FPS, (…) il convient de conserver les données relatives à la redevance tant que les délais de contestations du FPS courent ». « Il est impératif que les dispositifs de LAPI ne collectent que les numéros de plaque d’immatriculation ainsi que l’horodatage et la géolocalisation du véhicule. Il conviendra à cet égard de limiter le champ de la prise de vue à la seule plaque d’immatriculation, à l’exclusion, par exemple, de tout autre élément situé sur la voie publique à proximité du véhicule ou dans l’habitacle de ce dernier ». Elle ajoute toutefois que « l’agent qui procède au constat et initie la procédure de FPS peut collecter une photographie du véhicule concerné à des fins probatoires (…) la conservation d’une image permet de disposer d’éléments de preuve en cas de contestation et de répondre aux demandes des conducteurs. La Commission n’est donc pas opposée à cette pratique11 ». De même, le 25 août 2020, la CNIL mettait déjà en garde contre de mauvaises pratiques12.

La combinaison des dispositions locales, nationales et européennes, cumulée aux risques d’erreurs, avérés, de la vidéolocalisation, implique donc une vigilance accrue des autorités.

II – La vigilance accrue impliquée par les risques d’erreurs de la vidéolocalisation

Si le droit applicable comporte déjà des obligations de précisions quant à la localisation du véhicule (A), l’instruction menée par le juge administratif l’a conduit à adopter une jurisprudence de nature à limiter les risques d’erreur (B).

A – Les obligations de précisions quant à la localisation du véhicule

Dans les communes où la décision a été prise d’instituer une redevance de stationnement, l’absence de paiement de cette redevance ou son paiement incomplet peut donner lieu à la notification au titulaire du certificat d’immatriculation du véhicule concerné d’un avis de paiement de forfait de post-stationnement. Un tel avis de paiement doit comporter une série de précisions, notamment des mentions relatives à la localisation du véhicule lors du constat de l’absence ou de l’insuffisance de paiement.

Le Défenseur des droits, entendu lors de l’instruction, avait d’ailleurs, dès 202013, publié une étude sur les défaillances du système14. Le rapport soulignait alors que les usagers du service public du stationnement payant sur voirie rencontraient des difficultés pour comprendre le nouveau dispositif et subissaient des différences de traitement en fonction de la collectivité et du gestionnaire. Pour garantir l’effectivité de leurs droits, il semblait nécessaire de mettre en cohérence les pratiques et de mieux informer les usagers sur le dispositif général et ses applications locales. Il relevait alors une recrudescence de saisines des usagers, illustrant des défaillances récurrentes, telles la délivrance de FPS indus, par exemple suite à une mauvaise lecture de l’heure de stationnement maximale autorisée, la délivrance de FPS majorés malgré un RAPO favorable, le retard dans le traitement des RAPO apportant des réponses positives après le délai d’un mois alors que la CCSP a déjà été saisie et le FPS payé pour ce faire, le manque d’information sur les voies de recours en cas de rejet explicite d’un RAPO, la délivrance de FPS en doublon par deux délégataires suivi d’un RAPO rejeté15.

Plusieurs recommandations étaient alors formulées. Ainsi, le Défenseur des droits recommandait, notamment, dans chaque collectivité ayant instauré le stationnement payant sur voirie, géré en régie ou par délégation, la création d’un guichet physique pour informer les usagers sur les modalités du stationnement, les tarifs, les règles spécifiques s’appliquant à certaines catégories d’usagers et sur le suivi de l’instruction des recours administratifs préalables obligatoires.

B – Les protections jurisprudentielles afin de limiter les risques d’erreur

Malgré ces précisions, postérieurement à l’adoption de ces dispositions issues de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, de nouvelles modalités se sont développées. Il en est ainsi de l’utilisation, pour le contrôle du stationnement payant, de techniques de géolocalisation par satellite. De plus, les mentions qui sont portées sur les avis de paiement de forfait de post-stationnement peuvent désormais être fondées sur l’exploitation de données émanant de tels dispositifs de géolocalisation. Comme l’indique le Conseil d’État, l’agent assermenté peut ainsi soit être présent sur la voie publique, le cas échéant équipé d’un terminal mobile qui assure sa géolocalisation et lui permet de prendre une photographie du véhicule ainsi localisé, soit intervenir à distance sur la base d’informations, transmises par voie électronique, recueillies par un véhicule en déplacement continu, équipé d’un système automatisé de lecture des plaques d’immatriculation, qui comprennent notamment la géolocalisation et la photographie du véhicule dans son environnement proche16.

Dans les deux cas, l’agent assermenté qui porte sur l’avis de paiement les mentions prévues par les dispositions du Code général des collectivités territoriales est tenu de vérifier, avant l’émission de cet avis, l’exactitude des données relevées par le système de géolocalisation par satellite du véhicule contrôlé ainsi que, lorsqu’il intervient à distance, les photographies prises lors du constat.

Avant même cette décision du Conseil d’État, des précisions avaient été apportées par la commission du contentieux du stationnement payant17, désormais tribunal du stationnement payant. Elle précisait ainsi qu’un forfait de post-stationnement ne peut être réclamé en l’absence d’un système de paiement de la redevance de stationnement proposant un mode de paiement sur borne fixe en état de fonctionnement et à distance raisonnable, acceptant soit les cartes bancaires, soit les espèces, soit les deux18. Elle jugeait aussi que l’autorité saisie d’un RAPO (dirigé contre un avis de paiement d’un FPS) incomplet est tenue de mettre en demeure son auteur de compléter son recours19 ; ou encore qu’une erreur de saisie du numéro d’immatriculation sur l’horodateur ne fait pas obstacle à ce que l’automobiliste puisse être considéré comme s’étant acquitté de la redevance de stationnement20.

Devant ces dysfonctionnements, le Conseil d’État précise sa jurisprudence. À l’occasion de l’affaire ici commentée, il a organisé une séance orale d’instruction en application de l’article R. 625-1 du Code de justice administrative, en présence de l’ensemble des parties prenantes (requérante, Ville de Paris, Fédération nationale des métiers du stationnement, société Moovia qui est le contractant de la ville, Association des maires de France, Défenseure des droits, CNIL). À cette occasion, la Ville de Paris a reconnu que la requérante stationnait du côté pair21.

De cet échange lors de l’instruction, il résulte que, postérieurement à l’adoption de ces dispositions issues de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles du 27 janvier 2014, s’est développée l’utilisation, pour le contrôle du stationnement payant, de techniques de géolocalisation par satellite et que les mentions qui sont portées sur les avis de paiement de forfait de post-stationnement peuvent désormais être fondées sur l’exploitation de données émanant de tels dispositifs de géolocalisation.

Comme il a été évoqué plus haut, l’agent assermenté peut être présent sur la voie publique ou intervenir à distance sur la base d’informations, transmises par voie électronique, recueillies par un véhicule en déplacement continu.

Dans les deux cas, l’agent assermenté est tenu de procéder à des vérifications22. Il en ressort encore, notamment à l’écoute des développements du Défenseur des droits que, lorsque la mention relative à la localisation précise du véhicule portée par l’agent assermenté résulte de l’usage d’un dispositif de géolocalisation, elle est susceptible d’être affectée d’un risque d’erreur.

Un tel risque d’erreur, qu’il appartient aux autorités compétentes de prévenir en imposant, notamment en cas de recours à un tiers contractant, le respect des exigences les plus élevées en matière de fiabilité de la géolocalisation et de diligences de l’agent assermenté, impose également qu’une contestation sur ce point puisse être utilement soulevée au stade du recours administratif préalable obligatoire puis, le cas échéant, devant la commission du contentieux du stationnement payant23.

Ce faisant, le Conseil d’État confie aux autorités la charge de la preuve, en indiquant qu’il appartient aux autorités compétentes saisies dans ce cadre d’une contestation sur le lieu précis de stationnement du véhicule constaté sur la base d’un dispositif de géolocalisation, de vérifier que les photographies prises lors du constat sont de nature à confirmer les mentions portées sur l’avis de paiement. En l’absence de photographies horodatées permettant d’identifier le véhicule dans son environnement ou si les photographies ne permettent pas de se prononcer sur la localisation du véhicule au moment du constat, il leur appartient de faire droit à tout recours assorti d’une argumentation suffisamment étayée, notamment en cas de stationnement du véhicule en limite de zone tarifaire24.

Le juge administratif précise les conditions de recours à l’issue d’un éventuel rejet du recours obligatoire (RAPO) et d’une action devant la CCSP. Il rappelle le respect des règles gouvernant la charge de la preuve devant le juge administratif. Celles-ci interdisent de réclamer à une partie des éléments de preuve que l’autre partie est seule à détenir. Dès lors, dans le cas de défense non assortie de photographies de nature à confirmer le constat établi sur la base de la géolocalisation, la commission du contentieux du stationnement payant se prononce au regard de l’ensemble des éléments produits par les parties. En l’absence de production en défense, elle peut constater l’acquiescement du défendeur aux faits exposés dans la requête25.

La morale de cette espèce jugée par le Conseil d’État est que l’intervention humaine reste nécessaire au-delà des progrès techniques qui permettent sans doute de gagner du temps, mais qui comportent une marge d’erreur et appellent donc un regard humain. Le rapporteur public appelle dans ses conclusions à un équilibre entre un triptyque de contraintes : assurer l’accès des redevables aux pièces dont seule l’administration dispose, préserver les mairies des recours intempestifs avec demande d’accès aux photographies, éviter l’engorgement de la CCSP, juridiction administrative spécialisée26.

Appliquant les règles à l’affaire soumise, le Conseil d’État estime que la CCSP a commis une erreur de droit en rejetant la demande de l’intéressée. En effet, il lui appartenait de se prononcer au regard de l’ensemble des éléments qui lui étaient soumis, dès lors qu’elle était saisie d’allégations étayées contestant la mention relative à la localisation du véhicule portée par l’agent assermenté sur la base d’un dispositif de géolocalisation et l’insuffisance du paiement de la redevance au tarif de stationnement applicable, et en l’absence de production par l’administration en défense d’éléments de preuve, notamment photographiques, de nature à confirmer l’exactitude de ces mentions. Ainsi la CCSP ne pouvait légalement rejeter la requête au motif que l’intéressée n’apportait aucun commencement de preuve à l’appui de ses allégations27.

C’est ce que signifie le Conseil dans son communiqué en affirmant que les communes et intercommunalités doivent prendre toutes les mesures pour assurer la fiabilité de la géolocalisation utilisée par leurs agents ou par les sociétés délégataires intervenant dans le contrôle du stationnement payant. Il rappelle ensuite qu’avant l’émission du forfait de post-stationnement, une intervention humaine par des agents assermentés doit permettre de vérifier la localisation sur la base de photographies montrant l’emplacement du véhicule stationné de façon suffisamment claire et précise28.

Si cette jurisprudence est bienvenue par les droits renforcés des usagers, les recommandations formulées par le Défenseur des droits en 2020 demeurent largement d’actualité, autour de la simplification de la terminologie, de la disponibilité d’un guichet dans les collectivités pour expliquer le dispositif et guider les démarches, d’une formation renforcée des agents en charge, et notamment de ceux en charge d’examiner les RAPO, ainsi que d’une mise en cohérence des pratiques sur le territoire. À la suite de cette décision du Conseil d’État, il est à prévoir à la fois de nombreuses contestations fondées d’amendes, mais aussi de nouvelles espèces qui lui permettront d’apporter, de nouveau, des précisions et protections jurisprudentielles.

Notes de bas de pages

  • 1.
    CE, 18 nov. 2024, n° 472912.
  • 2.
    PE et Cons. UE, règl. n° 2016/679, 27 avr. 2016.
  • 3.
    L. n° 2014-58, 27 janv. 2014, de modernisation de l’action publique territoriale et d'affirmation des métropoles.
  • 4.
    Le FPS étant une redevance d’occupation du domaine public, le législateur a confié à l’ordre juridictionnel administratif l’examen des contestations, qui sont précédées dans certaines situations d’un recours administratif préalable obligatoire (RAPO). La loi crée une nouvelle juridiction administrative spécialisée à compétence nationale, la commission du contentieux du stationnement payant (CCSP).
  • 5.
    CE, communiqué de presse, https://lext.so/s82jLa. Le stationnement sur des emplacements interdits reste quant à lui sanctionné par des amendes contraventionnelles qui relèvent, en cas de contestation, du tribunal de police.
  • 6.
    564 communes ou intercommunalités ont opté pour la mise en place de la réforme du stationnement payant. Les autres communes ont soit maintenu la gratuité du stationnement, soit abandonné le stationnement payant en faveur de la gratuité ou de la mise en place de zones bleues, dispositif permettant également la rotation des véhicules sur la voie publique. V. Défenseur des droits, rapp., La défaillance du forfait de post-stationnement : rétablir les droits des usagers, https://lext.so/iUPKzJ.
  • 7.
    « Sulfateuses à PV : pourquoi les automobilistes les redoutent tant ? », https://media.roole.fr/.
  • 8.
    V. les conclusions du rapporteur public sur l’affaire ici commentée, M. Boutron, https://lext.so/mDZrf5.
  • 9.
    L’article L. 2213-2 est celui qui donne compétence au maire pour limiter la circulation : « Le maire peut, par arrêté motivé, eu égard aux nécessités de la circulation et de la protection de l’environnement (…) ». L’article L. 2512-14 porte sur les compétences spécifiques du maire de Paris.
  • 10.
    PE et Cons. UE, règl. n° 2016/679, 27 avr. 2016 (RGPD).
  • 11.
    Cité par le rapporteur public Maxime Boutron, sur l’affaire ici commentée.
  • 12.
    CNIL, Verbalisation par lecture automatisée des plaques d’immatriculation (LAPI) : la CNIL met en garde contre les mauvaises pratiques, https://lext.so/p18qYK.
  • 13.
    En 2019, le Défenseur des droits a enregistré une recrudescence de saisines des usagers, illustrant des défaillances récurrentes telles que la délivrance de FPS indus, par exemple suite à une mauvaise lecture de l’heure de stationnement maximale autorisée ; la délivrance de FPS majorés malgré un RAPO favorable ; le retard dans le traitement des RAPO apportant des réponses positives après le délai d’un mois alors que la CCSP a déjà été saisie et le FPS payé pour ce faire ; le manque d’information sur les voies de recours en cas de rejet explicite d’un RAPO ; la délivrance de FPS en doublon par deux délégataires suivis d’un RAPO rejeté. V. Défenseur des droits, rapp., La défaillance du forfait de post-stationnement : rétablir les droits des usagers, https://lext.so/iUPKzJ.
  • 14.
    Défenseur des droits, rapp., La défaillance du forfait de post-stationnement : rétablir les droits des usagers, https://lext.so/iUPKzJ.
  • 15.
    Défenseur des droits, rapp., La défaillance du forfait de post-stationnement : rétablir les droits des usagers, p. 5, https://lext.so/iUPKzJ.
  • 16.
    Pt 7 de la décision ici commentée.
  • 17.
    Juridiction nationale compétente pour juger les recours en matière de stationnement payant. Sa saisine nécessite d'avoir préalablement tenté un recours gracieux (recours administratif préalable obligatoire) et de s’être acquitté du montant du forfait de post-stationnement. Ses décisions peuvent être contestées devant le Conseil d’État. V. Défenseur des droits, rapp., La défaillance du forfait de post-stationnement : rétablir les droits des usagers, https://lext.so/iUPKzJ. Depuis 2015, cette Commission est dénommée tribunal du stationnement payant.
  • 18.
    CCSP (ch. 1), 29 janv. 2019, n° 18003691, M. B. c/ commune de Bordeaux.
  • 19.
    CCSP (formation plénière), 27 nov. 2018, n° 18000358, M. B. c/ commune de Marseille.
  • 20.
    CCSP (juge statuant seul), 25 juin 2018, n° 18000246, M. B. c/ commune de Marseille. Jurisprudences citées dans le rapport précité du Défenseur des droits de 2020.
  • 21.
    Conclusions précitées du rapporteur public M. Boutron.
  • 22.
    Pt 6 de la décision ici commentée.
  • 23.
    Pt 7 de la décision ici commentée.
  • 24.
    Pt 8 de la décision ici commentée.
  • 25.
    Pt 10 de la décision ici commentée.
  • 26.
    Conclusions du rapporteur public, M. Boutron, précitées.
  • 27.
    Décision ici commentée, pt 11.
  • 28.
    CE, communiqué de presse, https://lext.so/s82jLa.
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